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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 3)

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Leroi, Paul: Salon de 1875, [19]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16676#0022

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SALON DE 1875. 13

sans dire : « ce sont des artistes ou des amateurs éclairés, pris dans l'Institut ou au dehors, qui com-
posent le conseil supérieur des Beaux-Arts créé par un décret plus récent. Par l'établissement de ce
conseil, qui enveloppe dans sa sphère non plus seulement l'École, mais tout le domaine des Beaux-
Arts, les artistes ont été appelés à prendre leur part dans la discussion de leurs propres affaires (!!!).

« Réuni tous les mois à jour fixe (périodicité qui est un gage de durée de l'institution), le conseil
peut être mis en demeure de donner son avis sur le régime des expositions et des concours, sur les
questions qui intéressent l'enseignement des Beaux-Arts ou le travail des manufactures nationales. Il
peut guider le ministre, par des commissions tirées de son sein, dans l'exercice de la prérogative la plus
délicate et la plus difficile à la fois : les acquisitions d'oeuvres d'art et les commandes à faire au nom de
l'Etat, les publications à encourager et les missions à confier dans ce même ordre de choses.

«' Sans rien abdiquer du droit de l'État, le ministre aura l'assurance de mieux atteindre, grâce à ces
lumières, le but que l'administration s'est toujours proposé : le bien des artistes et le progrès des
Beaux-Arts. »

C'est ce conseil qui a débuté par le coup d'éclat que l'on sait. Tenant à « guider le ministre dans
l'exercice de la prérogative la plus délicate et la plus difficile à la fois : les acquisitions d'œuvres d'art, » il
lui a fait acheter pour cet infortuné Musée du Luxembourg, veuf de tant de merveilles qui sont entrées
au Louvre, l'œuvre dépourvue de toute valeur artistique de l'un de ses membres, M. Alexandre Cabanel,
cette Thamar dont la médiocrité sans bornes comme ses défauts a été l'objet d'appréciations aussi una-
nimement sévères que méritées. Mais ne nous hâtons pas de blâmer, l'institution nouvelle a dû avoir à
cœur de démontrer sans retard le « désintéressement » d'un des siens, « désintéressement dont on ne sau-
rait asse-faire V éloge » chez ce créateur « d'œuvres sérieuses qui ne peuvent prétendre à des succès de mode,
et qui révèlent che\ ceux qui s'y adonnent une application au travail, une aspiration aux choses élevées, etc., etc. »

Si ce n'était si triste, ce serait bien drôle et il y aurait belle occasion de se divertir aux dépens de
tous ces passe-moi la casse, je te passerai le séné. Mais il s'agit de l'avenir chaque jour plus grave-
ment compromis de l'école française etje ne suis pas de ceux qui aideront jamais à sa Cabanellisation. Je
n'ignore pas qu'il est des sceptiques, gens d'ailleurs d'infiniment de goût, qui trouvent que je suis bien
bon de tant me fouetter le sang pour de la peinture contre laquelle ils se contentent de murmurer
in petto : « C'est veule, c'est mou, c'est flasque, c'est creux, c'est vide, c'est nul, — on sait ça, —
passons et qu'il n'en soit plus question! » C'est en effet beaucoup plus commode, et si j'étais de ces
tempéraments aimables blasés de compromis, il me serait facile de penser que j'aurai au Luxembourg,
pour me consoler, cette adorable Naïade de M. Henner, compensation de raffiné s'il en fut *.

Eh! s'il ne s'agissait que des Vénus, des Thamar et des portraits ejusdem farinœ, qui donc consenti-
rait à perdre son temps à s'occuper cinq minutes de ces choses-là2? Il y a bien autre chose en cause
qu'une manufacture de mauvais tableaux, — ce n'est là qu'une industrie fâcheuse comme bien
d'autres; tant pis pour ceux qui en goûtent les produits frelatés! — la question est autrement grave.

1. M. Henner m'a fait l'honneur de m'écrire pour me remercier de ce que j'ai dit de son Salon; ma surprise,je l'avoue, a été grande;
si l'un des deux est l'obligé de l'autre, il me semble que c'est indiscutablement moi, qui n'ai d'autre mérite que d'avoir fait mon devoir en
disant la vérité, et qui suis très-fort le débiteur de M. Henner pour les exquises jouissances qu'il m'a procurées, et dont j'avais grand
besoin au milieu des déceptions innombrables de l'exposition des Champs-Elysées.

Puisque j'ai parlé des acquisitions faites pour le Luxembourg- à la suite du Salon, qu'il me soit permis de ne pas comprendre qu'on ait
préféré à l'une ou à l'autre des meilleures œuvres exposées un portrait qui se trouvait depuis longtemps dans l'atelier de M. Carolus Duran.
On a choisi pour cet achat, que je suis loin de critiquer en lui-même, le seul moment où il était injustifiable. C'est provoquer des commen-
taires peu bienveillants que d'accorder une telle faveur à un artiste qui vient précisément de se montrer inférieur à lui-même. Ce sont la
d'étranges procédés de justice distributive, surtout quand on se rappelle qu'il s'agit d'un Musée d'où Millet était exclu comme le sont
— ô honte à peine croyable ! — et Diaz et Jules Dupré.

Pour en revenir au portrait acheté_à M. Carolus Duran, c'est celui de sa femme et l'un de ses premiers et de ses meilleurs succès.
J'applaudis fort à l'acquisition d'une pareille œuvre, tout en ne pouvant en approuver l'opportunité. Ce que je ne saurais trop blâmer,c'est
l'idée aussi absurde qu'inconvenante de baptiser cette toile : La Femme au gant. Dût-on m'accuser de me répéter beaucoup, je tiens à le dire
à nouveau : Mme Pauline Marie Carolus Duran a infiniment de talent;— débaptiser son portrait serait commettre un acte de vandalisme;
c'est pour le Luxembourg une bonne fortune de le posséder et je suis d'avis qu'il faut désirer de voir ce Musée s'enrichir du plus grand
nombre possible de beaux portraits reproduisant les traits des principaux artistes de notre temps.

2. Comme j'ai réuni dans le même chapitre et M. Cabanel et M. Hébert, — voir tome II, page 56, — je tiens à bien préciser que, n'était
la position officielle, prépondérante et envahissante de M. Alexandre Cabanel, je n'aurais pas même prononcé son nom ni songé à m'arrêter
à des productions aussi étrangères aux conditions de l'art. Pour M. Hébert au contraire, je ne me serais jamais abstenu; c'est que, si
grandes que puissent être ses aberrations présentes et à venir, l'auteur de la Mal'aria a été, est, et restera un artiste.
 
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