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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 3)

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Champier, Victor: La caricature anglaise contemporaine, [3], Le punch: La satire politique
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https://doi.org/10.11588/diglit.16676#0309

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l8o

L'ART.

— Oui, dit Mark Lemon en riant, mais je n'ai pas été le seul Lemon (citron) ayant parfumé le
premier bol de punch. Il y avait deux autres Lemons associés avec moi, Léman Rede et Laman
Blanchard. »

Ce dernier calembour demandait, comme on voit, une petite violence de prononciation.
D'ailleurs nous n'avons cité cette singulière et plaisante conversation que pour montrer combien est
commune cette habitude de rechercher une illustre et antique origine aux pauvres diables devenus
tout à coup célèbres. Punch était à peine connu en Angleterre que déjà on lui découvrait une
famille dans l'Orient.

En dépit du talent de ses fondateurs, le journal satirique ne réussissait pas. Il dut en deux
occasions la vie au succès de deux pièces de Mark Lemon, intitulées l'une Punch, l'autre, le Dé
d'argent. Il fut sous la direction de MM. Bradbury et Evans, puis passa sous celle de Mark Lemon. Ce
fut sa fortune. Non-seulement les dettes qu'on avait contractées furent payées au bout de peu de
temps, mais le journal eut une vogue immense et se trouva partout en Angleterre, même dans les
endroits où n'allait aucune autre feuille de Londres.

A vrai dire Mark Lemon se dévoua tout entier à sa tâche. Il avait alors une trentaine d'années
et s'était fait connaître dans le monde littéraire par quelques pièces qui avaient eu du succès. Sympa-
thique à tous, aimable, modeste, généreux et digne, il était tout à fait l'homme qu'il fallait au Punch
comme directeur : « J'étais fait pour le Punch, avait-il coutume de dire, et le Punch pour moi.» Il avait
des facultés hors ligne pour l'administration et le prouva en tirant en peu de mois le journal de la
situation malheureuse où il l'avait trouvé. Quand il avait fini son travail de la semaine, son plus
grand bonheur était de se rendre au sein de sa famille dans son modeste cottage de Crawley. Tout
près de lui demeurait sa mère, pour qui il avait une vive affection, et il se faisait un devoir de passer
avec elle tous les dimanches matin. « Mark Lemon, dit M. J. Hatton, croyait en un Dieu, en une
femme, en une publication. Simple en ses goûts, son ambition était celle de tout honnête homme :
être utile à son pays et faire le bonheur de son foyer domestique. Le Punch, sous sa direction, s'éleva
au-dessus de la pure satire, et rejeta tout ce qui n'était que marotte et grelots. 11 avait en l'influence
de son journal une foi romanesque ; cet enthousiasme explique son succès. Quand il mourut, il ne
se connaissait pas d'ennemis, était aimé de tous ses collaborateurs, respecté par les hommes de
toute croyance, de tout parti, et pourtant il n'avait jamais sacrifié l'indépendance du recueil qu'il
dirigeait, le regardant comme un des biens du royaume, comme une force du pays, comme une
institution nationale. »

Sans cesse à la recherche des écrivains de talent, Mark Lemon, dont le goût était fin et sûr,
s'efforçait d'attirer à lui tous ceux qui avaient de la réputation et une plume élégante. Aussi le
Punch fut-il bientôt un des recueils les mieux écrits et les plus spirituels. Outre Douglas Jerrold, dont
les satires politiques avaient un très-grand retentissement, le journal de Fleet-Street (comme on
l'appela par allusion à l'endroit où étaient ses bureaux) compta parmi ses collaborateurs un grand
nombre de littérateurs aujourd'hui célèbres. Thackeray y publia les Lettres de Brown à son neveu et y
montra ses Snobs; Henry Mayhew s'occupa à trouver des sujets originaux pour les artistes; Dickens
fournit des pages charmantes de verve gracieuse ; Horace Mayhew donna ses Modèles hommes et
femmes; Percival Leigh ainsi que Shirley Brooks, des pages joyeuses et aimables; Tom Taylor des
vers mélancoliques; Tennyson même quelques piquantes satires; Albert Smith y sema ses étince-
lantes fantaisies, et Thomas Hood y fit verser des larmes.

Ce fut dans le Punch que ce dernier publia, en 1843, sa fameuse Chanson de la chemise, que tout
le monde, en Angleterre, sait aujourd'hui par cœur et qui excita si puissamment la pitié en faveur
des malheureuses ouvrières. Thomas Hood avait déjà donné au Punch plusieurs poésies empreintes
de cette sensibilité à la fois douloureuse et sereine qui lui est particulière : il était malade à cette
époque et faisait vivre péniblement sa famille. Quand il envoya sa Chanson de la chemise à Mark
Lemon, il l'accompagna de quelques lignes dans lesquelles il exprimait la crainte qu'elle ne convînt
pas au Punch, et laissait à la discrétion du directeur de l'insérer ou de la jeter au panier. Le petit
poème parut et fit une sensation immense : la vente du journal atteignit d'énormes proportions.
Quelques vers énergiques et bien frappés firent plus que toutes les déclamations des journaux et que
 
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