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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 3)

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Rondani, Alberto: Artistes italiens: Francesco Scaramuzza
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https://doi.org/10.11588/diglit.16676#0152

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FRANÇOIS SCARAMUZZA. 13$

les Docteurs de l'Église. On remarque tous ces caractères dans les illustrations de Scaramuzza, dont
l'âme a vécu plusieurs années en plein moyen âge, d'une telle façon qu'on pourrait croire ces cartons
(si l'art n'y était si parfait) d'un artiste contemporain de Dante ; dans la représentation des lieux
aussi bien que dans la création des figures il est très-fidèle au poète ; mais comme dans le poème les
personnages ont plus d'importance que la scène, il en eut plus de soin; cependant on admire dans
plusieurs illustrations des effets merveilleux et caractéristiques.

Les illustrations où les images et les idées de Dante sont rendues le plus puissamment, sont celles
des diables, celles où se développent les cérémonies mystiques dont il s'agit dans les derniers chants
du Purgatoire et qui rappellent l'Apocalypse, et celles du Paradis où les âmes sont plus nombreuses.

Les démons de Dante sont les vrais démons du moyen âge ; dans ce temps-là (ce que remarque
aussi l'immortel Michelet) le diable eut des transformations horribles et grotesques; aussi les diables
de Scaramuzza sont-ils laids, maussades, bestiaux, aux formes étranges, aux yeux de chat, aux
jambes de chèvre, aux oreilles d'âne, aux nez et aux cornes de toute façon, et sont-ils figurés dans
les postures les plus bizarres et les moins nobles.

Je signale parmi les illustrations de l'Enfer la Descente du Rédempteur aux Limbes, une compo-
sition classique, digne d'un grand tableau; la Fortune, une jolie femme courant sur les nuages,
entourée d'innombrables enfants très-beaux et très-variés de types et d'attitudes; Capanée, fier
et dédaigneux sur le sable ardent, exposé à une pluie de feu; la Mort de Guido di Montefeltro,
d'un effet de lumière qui peut rivaliser avec ceux de Delaroche; les scènes terribles des voleurs
mordus par des serpents et transformés en des monstres épouvantables et rebutants.

Quant aux illustrations du Purgatoire, il faut remarquer les beaux paysages de l'antépurga-
toire, effet d'aube; la sévère figure de Sordello, le poète légendaire; le doux Casella, un musicien,
un des amis de Dante, qui mit en musique un des chants du poète, et qui la répète aux esprits
présents et à Dante lui-même; Belaquo, un fabricant d'instruments musicaux, conservant encore dans
le Purgatoire son naturel paresseux et moqueur : les extases de Dante, c'est-à-dire les rêves du poète
pendant son voyage; la Danse mystique des Vertus, cérémonie sacrée, et par conséquent tout à fait
sérieuse dans sa grâce; les paysages du paradis terrestre riants de lumières sereines, d'eaux très-
limpides, de plantes diverses, de fleurs immortelles.

A illustrer le Paradis, les difficultés augmentent pour l'artiste : la lumière est souvent également
répandue et les effets francs, les contrastes des clairs et des ombres y manquent; une grande partie
de ce qu'il y a d'humain, de dramatique, dans l'Enfer et dans le Purgatoire, est souvent remplacée
par des éléments allégoriques et symboliques dans le Paradis.

Néanmoins Scaramuzza suit hardiment et avec un grand bonheur le poète dans toutes ses audaces,
et il a obtenu aussi des effets de vive lumière étonnants; il affronte tous les sujets, jolis, solennels ou
terribles de la foi chrétienne. L'Assomption de la sainte Vierge, par exemple, est une conception digne
d'un des plus puissants artistes du xvi° siècle; les petits anges innombrables qui entourent en bas
la Vierge sont tout à fait dignes du Corrége; le camaïeu a ici la force du coloris de Titien. Non moins
admirables sont les compositions où l'on voit les âmes béatifiées qui vont former la M gothique (un
symbole) ; très-belles sont les figures qui sont dans vin des yeux de l'aigle (un autre symbole) ; très-
belles aussi pour le type vrai et vraiment biblique, Eve, Sara, Racket. Mais il faudrait trop de temps
et trop d'espace pour examiner, décrire ou seulement énumérer les beautés de cet ouvrage et les
difficultés techniques que Scaramuzza a surmontées. Il nous suffit de faire observer qu'il a obtenu
avec la plume tous les effets de soleil, de lumière, d'aube, de brouillard, de feu, de fumée, d'atmo-
sphère infernale; qu'il est vrai jusqu'à faire illusion en rendant les draperies et les voiles. Mais
Scaramuzza a sur tous les autres mérites celui d'avoir compris et senti Dante et d'avoir vu son monde
avec une intuition extraordinaire, de l'avoir représenté avec une fidélité étonnante. — Les illustrations
dantesque de Scaramuzza sont de vraies pages de la Divine Comédie.

Alberto Rondani.
 
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