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Gindriez, Charles: Église Santa Maria delle Grazie à Milan
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.16689#0081
ÉGLISE SANTA MARIA DELLE GRAZIE, A MILAN. 69
que ferait naître dans un examen d'ensemble la comparaison de ces diverses parties. Etpuis ne convient-
il pas de traiter avec indulgence les fautes où nous trouvons de si bonnes leçons? La juxtaposition de
ces deux édifices si différents d'esprit, d'aspect et de style, mesure éloquemment ce pas prodigieux de
l'art dans un espace de vingt ans. Comme cette fin du xvc siècle a marché! et que sont vingt ans dans
l'histoire ? Une heure, un instant, le coup de baguette de la Renaissance, et l'ancien décor sombre
tombe dans les resplendissements du nouveau.
Mais n'anticipons pas. En 1497, la coupole n'était pas terminée. Ludovic, épuisé par ses guerres,
ne donnait plus d'argent. Les travaux languissaient; le couvent se désolait, mais la bonne Vierge
veillait toujours. L'année môme, Béatrice d'Esté mourut. Elle était adorée de son mari, et les domi-
nicains qui possédaient déjà le corps des deux enfants demandèrent et obtinrent celui de la mère. Dès
lors il fallait bien un abri aux chères dépouilles; et la douleur de Ludovic se tordit en médaillons, en
torsades, en rinceaux, en balustres, et tomba sur les nouvelles constructions en une véritable pluie de
marbre et d'or. Les religieux, fort affligés eux-mêmes, mêlèrent sincèrement leurs pleurs à ses larmes ;
ils grossirent ainsi le torrent, mais ils le recueillirent; et l'église des Grâces sortit de cette nouvelle
crise plus belle et plus rayonnante que jamais.
L'église elle-même n'offre pas grand intérêt; c'est le type commun des églises italiennes où les
formes gothiques subsistent, mais dénaturées et saturées par l'esprit de l'antiquité. On y remarque
pourtant quelques anciennes fresques intéressantes mais restaurées, la boiserie du chœur et la
sacristie. L'abside même n'offre à l'intérieur que de grands murs unis revêtus d'un décor en grisaille.
Tout ce merveilleux dehors trahit donc un art qui a plus de surface que de profondeur ; mais il y
aurait injustice à avoir pour lui plus de prétention que lui-même. C'est un de ces brillants invertébrés,
ou plutôt une de ces plantes inférieures qui laissent flotter, avec une grâce aérienne, leur jolie robe
vide que n'alourdit aucune structure, aucune attache, aucune pesanteur, aucune de ces mille tyrannies
de l'être supérieur et organise.
L'abside se compose de quatre corps de bâtiments qui se coupent à angles droits , en forme de
Tome IV. 10
que ferait naître dans un examen d'ensemble la comparaison de ces diverses parties. Etpuis ne convient-
il pas de traiter avec indulgence les fautes où nous trouvons de si bonnes leçons? La juxtaposition de
ces deux édifices si différents d'esprit, d'aspect et de style, mesure éloquemment ce pas prodigieux de
l'art dans un espace de vingt ans. Comme cette fin du xvc siècle a marché! et que sont vingt ans dans
l'histoire ? Une heure, un instant, le coup de baguette de la Renaissance, et l'ancien décor sombre
tombe dans les resplendissements du nouveau.
Mais n'anticipons pas. En 1497, la coupole n'était pas terminée. Ludovic, épuisé par ses guerres,
ne donnait plus d'argent. Les travaux languissaient; le couvent se désolait, mais la bonne Vierge
veillait toujours. L'année môme, Béatrice d'Esté mourut. Elle était adorée de son mari, et les domi-
nicains qui possédaient déjà le corps des deux enfants demandèrent et obtinrent celui de la mère. Dès
lors il fallait bien un abri aux chères dépouilles; et la douleur de Ludovic se tordit en médaillons, en
torsades, en rinceaux, en balustres, et tomba sur les nouvelles constructions en une véritable pluie de
marbre et d'or. Les religieux, fort affligés eux-mêmes, mêlèrent sincèrement leurs pleurs à ses larmes ;
ils grossirent ainsi le torrent, mais ils le recueillirent; et l'église des Grâces sortit de cette nouvelle
crise plus belle et plus rayonnante que jamais.
L'église elle-même n'offre pas grand intérêt; c'est le type commun des églises italiennes où les
formes gothiques subsistent, mais dénaturées et saturées par l'esprit de l'antiquité. On y remarque
pourtant quelques anciennes fresques intéressantes mais restaurées, la boiserie du chœur et la
sacristie. L'abside même n'offre à l'intérieur que de grands murs unis revêtus d'un décor en grisaille.
Tout ce merveilleux dehors trahit donc un art qui a plus de surface que de profondeur ; mais il y
aurait injustice à avoir pour lui plus de prétention que lui-même. C'est un de ces brillants invertébrés,
ou plutôt une de ces plantes inférieures qui laissent flotter, avec une grâce aérienne, leur jolie robe
vide que n'alourdit aucune structure, aucune attache, aucune pesanteur, aucune de ces mille tyrannies
de l'être supérieur et organise.
L'abside se compose de quatre corps de bâtiments qui se coupent à angles droits , en forme de
Tome IV. 10