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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 1)

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Rioux-Maillou, Pedro: Clodion
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https://doi.org/10.11588/diglit.16689#0169

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CLODION'

Il est triste de survivre à son talent; il est presque aussi triste pour
l'artiste qui ne sent point en lui cette puissance d'originalité que donne le
génie, qui n'est point une grande individualité comme un Michel-Ange ou
un Pierre Pujet, de survivre à l'époque au milieu de laquelle son talent s'est
formé et développé. On est toujours plus ou moins de son siècle, et les
génies eux-mêmes, malgré la puissance créatrice qui les caractérise et que
nous venons de leur reconnaître, n'échappent jamais complètement à cette
influence des milieux. Pour les artistes qui n'ont que du talent, l'influence
est décisive. C'est le cas de Clodion. Ce fils du xviii" siècle ne devait rien
comprendre aux événements qui allaient présider à la naissance du xixe. Son
talent aimable et coquet, fait pour le monde licencieux, mais spirituel et
Scène du déllge. plein de la grâce des petits marquis et des bergères de Trianon, se trouva
Groupe de Clodion. annihilé parla Révolution. Il s'était endormi, comme bien d'autres, en rêvant

aux fêtes de Versailles, aux jeux de la cour, au jardin chinois, au milieu
duquel la reine, « vêtue d'une robe de percale blanche, un chapeau de paille sur la tête », jouait à la
paysanne, et il allait se réveiller au bruit du canon renversant la Bastille. A une société nouvelle, il
fallait un art nouveau. La recherche de la grâce était hors de saison au milieu de la tourmente révolu-
tionnaire ; la France poursuivait un idéal plus viril, plus en rapport avec les sentiments qui l'agitaient.
Cet idéal, dont Clodion n'avait entrevu que vaguement l'existence à travers ses études d'après l'antique,
allait enfin trouver son expression grâce à David et à son école.

Nous pouvons, aujourd'hui que le temps a marché, discuter plus ou moins les œuvres, l'influence
artistique de David; nous pouvons dire que la réaction contre les productions esthétiques du
xvme siècle fut injuste et violente, comme toutes les réactions ; tout le monde connaît le fameux
Vanloo, Pompadoitr, rococo! cri de guerre des jeunes rapins d'alors ; nous pouvons regretter que
David et son école n'aient pas compris que le champ de l'art était vaste, et qu'il y avait place'pour ce
qu'ils nommaient le style, le caractère et pour la grâce, la vie ; nous pouvons déplorer qu'ils aient
confondu la grâce avec le maniérisme et que, pour éviter ce défaut, ils soient tombés dans un excès
contraire, le pédantisme; mais, ce que nous ne pouvons nier, c'est la légitimité du mouvement artis-
tique dont cette école est l'expression. Nous qui ne sommes plus possédés de la fièvre que produit
fatalement la lutte, nous avons compris que les deux antagonistes avaient également tort d'être
exclusifs; que tous deux avaient entrevu un des côtés du vrai, et qu'ils ne devaient pas chercher à
s'entre-détruire, mais à se compléter. Nous admirons David, et notre admiration ne nous empêche pas
d'être charmés par Clodion. Mais alors le peuple, grandi par les événements, demandait à l'art de
tracer les pages de son histoire, de donner un corps à l'idéal nouveau, la justice et la liberté, qu'il
sentait en lui. Clodion fut dérouté; il voulut se lancer dans le courant comme les autres, mais le talent
ne s'improvise pas. Nous verrons en analysant ses œuvres que son génie n'avait pas l'envergure
nécessaire pour s'élever à de pareilles hauteurs, et qu'en dépit de certains critiques du temps de l'Em-
pire, ses incursions dans ce que l'on appelait alors avec emphase le grand art ne furent pas heureuses.

Claude Michel, plus connu sous le nom de Clodion, naquit à Nancy le 20 décembre 1738. Son
premier maître dans l'art de la statuaire fut Lambert Sigisbert Adam, son oncle, artiste estimé à qui
nous devons le groupe de la Seine et de la Marne, qui décore la cascade de Saint-Cloud, et celui de

1. Nous empruntons au livre de notre collaborateur, M. René Ménard, l'Arc en Alsace-Lorraine (librairie de l'Art, 3 chaussée d'Antin),
les quatre dessins placés dans le texte de cet article.
 
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