LES
GRAVEURS DE FRANS HALS
l advint pour Frans Hais ce qui était arrivé précédemment pour beau-
coup d'autres artistes. Pendant longtemps on fit trop peu de cas de ses
ouvrages ; les amateurs laissaient aller à vil prix les tableaux du peintre
hollandais lorsqu'il s'en trouvait dans les ventes, et paraissaient médio-
crement se soucier d'accrocher à leurs murailles les toiles signées de ce
nom. Aujourd'hui, au contraire, on couvre d'or les moindres productions
de cet habile homme, et on n'est pas éloigné, en certains lieux du moins,
de mettre les tableaux de Frans Hais sur le même rang que les œuvres
du plus grand maître de l'Ecole hollandaise, de Rembrandt lui-môme.
Autant il était urgent de désigner particulièrement à l'attention du
public distrait les qualités qui distinguent les peintures de Frans Hais, autant il importe de réagir
contre cet entraînement qui va réellement trop loin. Quelque vif que soit, dans les peintures
authentiques de Frans Hais, le sentiment de la vie, quelque aisée que soit l'exécution matérielle de
ces toiles, entre les œuvres de Rembrandt et celles-ci, il y a un abîme. L'École hollandaise, — nous ne
pouvons nous résoudre à classer Frans Hais dans l'Ecole Flamande quoiqu'il soit à peu près prouvé
qu'il vit le jour à Anvers en 1584, — compte plus d'un artiste digne d'être classé à côté de Frans Hais :
Van der Helst, Mierevelt ou Th. de Keyser entre autres; elle ne peut opposer personne à Rem-
brandt qui dans tous les genres donna les témoignages les plus incontestables du génie et signa de sa
griffe de lion tous les ouvrages sortis de son cerveau.
Frans Hais est, avant tout, un portraitiste. Les sujets inventés par lui, sujets dans lesquels
l'artiste s'est efforcé d'exprimer avec vérité la physionomie humaine, n'auraient pas suffi à attirer sur
ses ouvrages l'attention un peu tardive des curieux. Tout au plus s'ils auraient mérité une mention
dans une histoire générale de la peinture des Pays-Bas; sans aucun doute, s'ils avaient seuls existé, il ne
se fût trouvé aucun érudit assez osé pour exhumer comme des chefs-d'œuvre, à deux siècles d'intervalle,
des compositions aussi banales. Il en est tout autrement des tableaux de Frans Hais dans lesquels l'ar-
tiste, directement aux prises avec une physionomie donnée, est tenu, sous peine de s'égarer, de rendre
avec une exactitude scrupuleuse l'homme ou la femme qui posent devant lui. Dans les portraits peints
par Frans Hais, répandus un peu partout ou réunis à Harlem dans le Musée municipal de fondation
assez récente, ce qui frappe avant tout, c'est la sincérité avec laquelle le peintre a saisi la ressemblance
de ses modèles. Ces toiles de grande dimension, sur lesquelles sont groupés un peu au hasard les
membres d'une môme corporation, les administrateurs d'une môme confrérie, fournissent, mieux que
tout autre ouvrage, Ta preuve de ce que nous avançons : chaque physionomie est indiquée avec soin,
et, malgré cet air de famille commun à une môme nation et à une même époque, malgré cette simili-
tude dans les ajustements, dans la coiffure et dans la disposition de la barbe, chaque tête a un carac-
tère bien individuel, une physionomie propre qui garantissent pour ainsi dire la ressemblance et
justifient en même temps jusqu'à un certain point les éloges que l'on accorde de nos jours à ces por-
traits. La manière du peintre est particulière ; il procède le plus souvent par plans nettement accusés,
et se préoccupe médiocrement de fondre entre eux les tons juxtaposés. Sauf dans quelques cas assez
rares où il peint de petits portraits destinés à être placés sous l'œil et qui exigent par cela môme un
modelé très-précis, il traite volontiers en ébauches ses toiles les plus importantes et-confie à l'espace
GRAVEURS DE FRANS HALS
l advint pour Frans Hais ce qui était arrivé précédemment pour beau-
coup d'autres artistes. Pendant longtemps on fit trop peu de cas de ses
ouvrages ; les amateurs laissaient aller à vil prix les tableaux du peintre
hollandais lorsqu'il s'en trouvait dans les ventes, et paraissaient médio-
crement se soucier d'accrocher à leurs murailles les toiles signées de ce
nom. Aujourd'hui, au contraire, on couvre d'or les moindres productions
de cet habile homme, et on n'est pas éloigné, en certains lieux du moins,
de mettre les tableaux de Frans Hais sur le même rang que les œuvres
du plus grand maître de l'Ecole hollandaise, de Rembrandt lui-môme.
Autant il était urgent de désigner particulièrement à l'attention du
public distrait les qualités qui distinguent les peintures de Frans Hais, autant il importe de réagir
contre cet entraînement qui va réellement trop loin. Quelque vif que soit, dans les peintures
authentiques de Frans Hais, le sentiment de la vie, quelque aisée que soit l'exécution matérielle de
ces toiles, entre les œuvres de Rembrandt et celles-ci, il y a un abîme. L'École hollandaise, — nous ne
pouvons nous résoudre à classer Frans Hais dans l'Ecole Flamande quoiqu'il soit à peu près prouvé
qu'il vit le jour à Anvers en 1584, — compte plus d'un artiste digne d'être classé à côté de Frans Hais :
Van der Helst, Mierevelt ou Th. de Keyser entre autres; elle ne peut opposer personne à Rem-
brandt qui dans tous les genres donna les témoignages les plus incontestables du génie et signa de sa
griffe de lion tous les ouvrages sortis de son cerveau.
Frans Hais est, avant tout, un portraitiste. Les sujets inventés par lui, sujets dans lesquels
l'artiste s'est efforcé d'exprimer avec vérité la physionomie humaine, n'auraient pas suffi à attirer sur
ses ouvrages l'attention un peu tardive des curieux. Tout au plus s'ils auraient mérité une mention
dans une histoire générale de la peinture des Pays-Bas; sans aucun doute, s'ils avaient seuls existé, il ne
se fût trouvé aucun érudit assez osé pour exhumer comme des chefs-d'œuvre, à deux siècles d'intervalle,
des compositions aussi banales. Il en est tout autrement des tableaux de Frans Hais dans lesquels l'ar-
tiste, directement aux prises avec une physionomie donnée, est tenu, sous peine de s'égarer, de rendre
avec une exactitude scrupuleuse l'homme ou la femme qui posent devant lui. Dans les portraits peints
par Frans Hais, répandus un peu partout ou réunis à Harlem dans le Musée municipal de fondation
assez récente, ce qui frappe avant tout, c'est la sincérité avec laquelle le peintre a saisi la ressemblance
de ses modèles. Ces toiles de grande dimension, sur lesquelles sont groupés un peu au hasard les
membres d'une môme corporation, les administrateurs d'une môme confrérie, fournissent, mieux que
tout autre ouvrage, Ta preuve de ce que nous avançons : chaque physionomie est indiquée avec soin,
et, malgré cet air de famille commun à une môme nation et à une même époque, malgré cette simili-
tude dans les ajustements, dans la coiffure et dans la disposition de la barbe, chaque tête a un carac-
tère bien individuel, une physionomie propre qui garantissent pour ainsi dire la ressemblance et
justifient en même temps jusqu'à un certain point les éloges que l'on accorde de nos jours à ces por-
traits. La manière du peintre est particulière ; il procède le plus souvent par plans nettement accusés,
et se préoccupe médiocrement de fondre entre eux les tons juxtaposés. Sauf dans quelques cas assez
rares où il peint de petits portraits destinés à être placés sous l'œil et qui exigent par cela môme un
modelé très-précis, il traite volontiers en ébauches ses toiles les plus importantes et-confie à l'espace