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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 1)

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Champfleury: La Tour et quelques femmes de son temps, [1], La femme aux XVIIIe siècle
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https://doi.org/10.11588/diglit.16689#0245

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LA

ET QUELQUES

TOUR

FEMMES DE

SON TEMPS

la femme au xviii siècle.

n voyait, il y a une quinzaine d'années, au Musée de Saint-Quentin, une collec-
tion d'études au pastel dans de petits cadres noirs. Rien de plus humble que ces
bordures, rien de plus agréable que les physionomies de femmes qu'elles enca-
draient. Dans ces anciennes moulures, vraisemblablement les mêmes que celles
qui avaient été accrochées aux murailles de l'atelier de La Tour, apparaissaient
peut-être plus piquantes encore les beautés de son temps dont le peintre avait
voulu conserver la sensation.
Cette sensation est restée vive et fraîche après un siècle. De la collection assez considérable
de portraits du pastelliste qui enrichissent le Musée municipal, en détachant une douzaine des
créatures les plus séduisantes de la cour et de la ville, du monde et des coulisses sous Louis XV, on
a un aperçu des divers types de beauté féminine à cette époque.

La période peut-être la plus caractéristique du charme de la femme en France est aussi marquée
que le sont l'époque de Charles IX par les crayons de Clouet, le règne de Henri VIII par Holbein. La
simplicité et l'austérité des anciens maîtres font place, il est vrai, à des physionomies déjà modernes
que nous sommes à même d'apprécier plus nettement qu'aux siècles précédents, car de Henri IV à
Louis XIV, si nous nous reportons aux beaux portraits qu'ont laissés les principaux maîtres français,
nous nous trouvons, le plus souvent, en face de personnes de distinction en toilette d'apparat ou
de représentations majestueuses qui nous trompent sur la qualité de beauté des femmes à ces époques.

Ce fut seulement au xvni* siècle que la femme, faisant effort pour se débarrasser des pompes
théâtrales de costume imposées à la cour par la tradition, tomba un moment dans l'excès contraire
sous la Régence et nous légua ces jolis attifements à la Watteau qui sentent plus les costumes du Jeu
de l'amour et du hasard que ceux du Philosophe sans le savoir.

La Tour trouva un moyen terme ; aussi les anciens cadres noirs, en faisant ressortir les attraits
des aimables femmes peintes par le pastelliste, rendaient plus significative encore sa pensée. Dans la
simplicité d'ajustement de son œuvre il apparaissait plus de son temps, plus réformateur, car, à
l'époque de Boucher, il fallut une certaine autorité pour faire comprendre aux femmes qu'à
l'exception de la poudre dans les cheveux, tout ornement étranger, fard, mouches, devait être
enlevé de la physionomie, de même qu'il n'était plus besoin de dentelles ni de bijoux pour rehausser
leur beauté.

Ce n'est pas toutefois que La Tour entendît abuser de déshabillés galants et se servir de raffine-
ments voluptueux comme moyens de succès. Rien de tel n'apparaît dans ses portraits de premier jet.
L'homme entendait peindre la femme pour la femme, avec la physionomie de son temps, son air de
tête, la vie communiquée par le regard, l'esprit se montrant sur les lèvres.

Le naturel dut préoccuper considérablement La Tour, surtout le naturel de la pose dont on
pourra voir quelques types dans ces études.

A l'époque où je vis pour la première fois les esquisses de pastels du Musée de Saint-Quentin,
au bas de quelques-uns de ces cadres une inscription manuscrite, d'une écriture jaunie par le temps,
indiquait le nom de la personne représentée.
 
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