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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 1)

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Carr, J. Comyns: Frederick Walker
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https://doi.org/10.11588/diglit.16689#0193

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FREDERICK WALKER

armi les peintres que la mort a frappés l'année dernière, il en est deux
dont les noms peuvent être cités l'un à côté de l'autre.

Jean François Millet est mort à Barbizon le 20 janvier, et le 5 juin
le jeune peintre Frederick Walker est décédé en Ecosse. Ce serait tâche
facile de mettre en contraste le génie de ces artistes et de signaler dans
leurs œuvres des points multiples de divergence et parfois même d'an-
tagonisme. Millet, toujours puissant dans son étreinte de la nature, n'a
pas toujours aussi bien réussi à atteindre la beauté : Walker, s'il n'a
jamais manqué de donner une certaine idée de grâce délicate et
tendre, a parfois, dans sa recherche de la beauté, négligé d'exprimer quelque chose de la réalité
profonde de son sujet. Chez l'un, les grandes qualités de dessin sont venues comme récompense
finale d'une persistante fidélité dans l'étude de la nature; chez l'autre, c'est plutôt la poursuite de la
beauté qui a fini par donner à l'artiste une perception plus complète de la vérité. Je pense que Walker
n'a jamais atteint la grandeur solennelle et presque tragique de la conception la plus élevée de Millet,
mais d'un autre côté il n'a rien produit dans ses moindres ouvrages qui ne présentât quelque caractère
de grâce et de charme. La beauté, on peut le dire, est la fleur, et la vérité est l'arbre. II y a eu des
époques où le talent du grand peintre français a été comme une branche qui serait dépouillée de ses
fleurs, mais dans ses moments plus heureux et plus sublimes, comme par exemple celui qui a vu
naître le noble tableau « le Semeur, » le résultat est à la fois puissant et enchanteur, et l'impression
profonde qu'il laisse met l'artiste au-dessus de toute comparaison avec d'autres hommes de son temps.
Je n'ai pas ici à parler de l'œuvre de Millet, mais je ne puis me défendre de rendre, en passant, cet
hommage à sa mémoire. Le peintre qui a su créer, en la tirant des matériaux vulgaires qu'il avait
sous la main, cette splendide incarnation du travail, occupe une place distincte et durable dans
l'histoire de la peinture. Rien ne fait défaut à cette création, ni la simplicité, ni la grandeur, ni la
grâce, ni la vérité. La figure est un paysan authentique, son geste dérive rigoureusement du travail
qui l'absorbe. Et pourtant, à mesure que nous contemplons ce chef-d'œuvre, nous apercevons quelque
chose de plus que la réalité, car le paysan, avec son bras étendu, avec l'énergie sauvage de son
mouvement, est devenu une forme grande dans un dessin grandiose. La vie rustique et ses réalités se
confondent dans la beauté plus intense qu'on leur a fait exprimer. L'artiste qui, dans un esprit de
scrupuleuse, de hardie véracité, a dédaigné les grâces artificielles que d'autres ont prêtées à la vie
de la campagne, ne s'est pas borné à cette simple réforme; son savoir nouveau et plus profond lui
a révélé dans la structure humaine des dignités qui n'avaient pas été découvertes avant lui. Grâce à
son habileté, il lui suffit de cette attitude noble et vraie pour résumer en un seul homme tout le
labeur humain, et cependant cet appel élevé à l'imagination se trouve d'accord non-seulement avec
les qualités qui appartiennent en propre au peintre, mais aussi avec le respect le plus scrupuleux pour
les faits exacts de la vie contemporaine.

Aussi, lorsque pour un instant j'ose placer le nom de Walker à côté de celui de Millet, ce n'est
point en oubliant que je réclame par là, pour l'œuvre du jeune Anglais, un niveau de critique très-
élevé. Il n'entre pas dans mon plan de mettre en balance le génie des deux artistes, ou de déterminer
la somme exacte de louanges qui revient à chacun d'eux. Dans le monde de l'art grand et vrai, on ne
peut établir, comme en géométrie, de communes mesures : tout homme digne de son rang ne vit
point par sa supériorité sur ses confrères, mais de par le droit de sa propre individualité. Chacun de
ces deux peintres a ses tendances propres qui le distinguent de l'autre. Néanmoins nous trouvons
dans leur œuvre certaines affinités sympathiques qui servent à les distinguer des autres artistes con-
 
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