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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 1)

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Gindriez, Charles: La fontaine de Pérouse
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https://doi.org/10.11588/diglit.16689#0203

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LA FONTAINE DE PÉROUSE'

N l'an 1254, les affaires du pape n'allaient pas bien en Italie. Pérouse
était alors en république, et malgré les malheurs d'une cause qu'elle
avait embrassée, ses finances étaient prospères, son commerce florissant,
ses habitants heureux et tranquilles. Malheureusement la ville manquait
d'eau; et les Pérugins mouraient de soif dans leur bonheur. A force de
i-egarder avec envie les belles sources du mont Pacciano, ils s'aperçurent
enfin qu'il était plus facile de se rassasier de ce spectacle que de s'en
désaltérer. Les décemvirs prirent donc la résolution de détourner les
eaux au moyen d'un aqueduc, et de les amener dans la ville ; mais c'était
une grave et coûteuse affaire... Que ne diraient pas les citoyens en cas
d'échec? Que d'accusations d'ignorance! Que de reproches de légèreté! Un peuple qui n'a pas d'eau
doit être impitoyable; car la sécheresse engendre toujours une certaine dureté.

Ils préparèrent donc l'exécution de la grande entreprise par les études les plus complètes, en s'en-
tourant des conseils les plus éclairés. Plenerio, Lionardo, Alberto, Guido di Castello 5 et bien d'autres,
mandés par la république, arrivèrent de tous les coins de l'Italie. La question tranchée et les plans
arrêtés, l'exécution fut confiée à fra Bevignate, architecte à Pérouse3 ; mais l'eau était pour moitié dans
l'affaire; et quand les Pérugins virent leur compatriote s'élancer sur un élément qui n'était pas le leur,
ils s'effrayèrent comme un essaim de poules qui auraient couvé un canard. Donc, pour les rassurer,
Boninsegna, de Venise, fut adjoint à l'architecte pour cette partie technique, mais sous sa haute direc-
tion4. Ces vieux républicains étaient tracassiers en diable; mais ils savaient bien qu'il ne faut qu'un
coq dans une basse-cour et qu'un architecte dans une maison. Dans la suite, les papes ont trop oublié
cette vérité pour le malheur de Rome, et pendant qu'ils étaient à prendre Pérouse, ils auraient bien dû
prendre aussi cet exemple.

Les travaux commencèrent, et comme ils intéressaient au plus haut point l'honneur, le bien-être
et les finances de la république, les habitants allaient les visiter avec leurs femmes et leurs enfants.
Les ouvriers répondaient aux questions, écoutaient les systèmes, réfutaient les critiques, et comme
l'ouvrage n'avançait guère, les magistrats renvoyèrent par décret les promeneurs dans leurs maisons.
Les curieux enragèrent, c'était leur droit; mais ils se vengèrent sur des innocents, ce qui est mal. Il
fallut mettre l'aqueduc et plus tard la fontaine sous la protection de lois très-sévères; les coupables
étaient condamnés « à l'amende de cent florins et, au besoin, à avoir la main coupée; les femmes ;i être
fouettées sur la place publique ». Enfin l'aqueduc eut sa garde et sa police spéciale, et un corps de
cinquante citoyens fut chargé de rappeler la loi à ceux qui auraient pu l'oublier. Malgré tout, les tra-
vaux traînèrent, car le mont Pacciano est loin de Pérouse. Quelle difficulté on eut à joindre les deux
bouts, la durée des travaux le prouve assez, et les finances de la ville ne le surent que trop.

Vasari estime ces dépenses à 160,000 ducats. C'est donc sur un véritable pont d'or que les eaux
un beau jour arrivèrent dans la ville. Enfin les Pérugins pouvaient boire! Pourtant ils se montrèrent
plus gourmets qu'avides, et pour savourer leur joie, ils décidèrent de faire une fontaine, mais une fon-
taine magnifique, telle qu'il n'y en eût pas de pareille en Italie. Les eaux coulant, ruisselant, cascadant,
chanteraient éternellement sur le mode aquatique l'hymne de leur bonheur. On la mettrait sur la place

1. Vermiglioli, Dell aquedotto e délia fontana maggiore di Perugia; le Scuhure di Nie. e Giov. du Pisa e di Arnolfo fiorentino che ornj.no
la fontana maggiore di Perugia. Pascoli, Pitt.} seul t., arehit.} Perugini.

2. Nous avons respecté l'orthographe des archivistes de la ville de Pérouse dans les citations que nous leur avons empruntées.

3. Superstans operibus e! laboreriis civitalis.

4. Fra Bevignate est appelé « structor et magister ».
 
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