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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 1)

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Chronique française
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CHRONIQUE

FRANÇAISE

La légende des greniers du Louvre renfermant des chefs-
d'œuvre inconnus doit commencer à paraître bien décrépite. Il
y a deux ans, après la distribution dans les musées de province
des toiles les moins mauvaises qu'ils contenaient, ces fameux gre-
niers perdirent beaucoup de leur mystérieux prestige dans l'esprit
du public. Voici qu'un nouveau décret va les dépouiller des der-
nières toiles qu'ils abritaient. M. de Chennevières vient de faire,
en e£fetvla distribution de deux cent-soixante et onze tableaux soi-
gneusement triés et choisis par lui, de concert avec notre collabo-
rateur G. Lafenestre.

On nous permettra de ne'pas citer les noms des heureuses
villes qui bénéficient de la gracieuseté de M. le Directeur des
Beaux-Arts. Ce serait une liste oiseuse; — il y en a 178; — on
la trouvera, du reste, dans le Journal officiel du 18 mars. Nous
citerons seulement les musées à qui sont échues les toiles les meil-
leures ou les moins mauvaises, comme on voudra.

La perle de toutes ces toiles est certainement celle qui repré-
sente la Bienheureuse Catherine Bragora ; cette œuvre est de l'école
de Luini. Parfaitement conservée, elle est charmante de couleur
et de sentiment. Elle a été donnée au musée du Mans. Le Couron-
nement de la Vierge, par Machravclli Zanobio et Raphaël et
Léon X, par Marlet, sont dignes aussi du musée de Dijon auquel
on en fait cadeau. Toulouse a deux bons tableaux : Saint Léonard
et saint Jacques le Majeur, de l'école du Perugin et VAmour
fuyant l'esclavage, de Vien ; Lyon a la Barque de saint Pierre,
d'après Giotto, et le Tasse à San Onofrio. de Robert-Fleury.
Nos compliments aussi à Orléans, qui a eu le Mariage de la Vierge
de Van Orlay, maître dont les œuvres sont assez rares, comme
on sait. Citons encore : la Sainte Famille dans un paysage, par
Carpaccio, donné au Musée de Caen ; le Quai de Naples, par
Justin Ouvrier, au Musée d'Auxerre; Aspasie, par M,ne Bouil-
lard, au Musée d'Arras; un Monastère et un Paysage, de Con-
stantin, au Musée de Marseille; Jeune Homme luttant avec un ours,
de Vanderburgh, au Musée de Libourne ; un Paysage, de Casa-
nova, au Musée de Moulins ; la Cène, par Vasari, au Musée de
Troyes ; Ulysse, par Lagrenée, au Musée de Narbonne; la Pru-
dence, par Drolling, au Musée de Bordeaux; Paysage, d'Alle-
grain, à Alençon ; Moissonneurs et Chasse au cerf, de Galloche,
au Musée de Montargis, etc.

Paris a eu aussi sa part dans cette distribution. On a donné
un certain nombre d'œuvres pour quelques monuments et Musées;
l'Ecole des Beaux-Arts, le Musée Carnavalet, les Gobelins, le
Musée de Cluny, la Sorbonne, le Palais de Justice. L'Ecole des
Beaux-Arts a eu deux bonnes toiles.

— Quelle fébrile activité a régné cette semaine dans les ateliers!
Le dernier jour approche; l'œuvre doit être présentée devant le
jury, et elle n'est pas prête ; il manque au tableau encore un
personnage ; cette statue demande des retouches, ce bras un

coup de lime..... Enfin la chose est achevée et l'artiste, inquiet

ou fier, convie pour voir son œuvre et ses amis et les critiques.

Vous plairait-il de parcourir avec moi un ou deux coins de
Paris pour avoir d'avance une idée de ce que sera le Salon de
cette année ? Rassurez-vous, ce ne sera pas long : une courte
visite, un rapide coup d'œil, le temps seulement de savoir quels
sujets ont traités les artistes. N'oublions pas que nous ne sommes
ici qu'un chroniqueur et bornons-nous à l'office de cicérone.

Nous voici rue Taranne. J. P. Laurens, avec une affabilité
grave, fait les honneurs de son atelier. Nous n'avons pas à
craindre de nous salir aux toiles mal séchées, ni de marcher sur
des pinceaux gras de couleurs ; cet atelier est un salon. Le
maître n'a pas sur la tête le béret traditionnel, ni de vareuse
grotesque. Debout au milieu des visiteurs qu'il domine de sa
haute taille, il montre ici, dans un large cadre noir, son propre
portrait, là un grand tableau d'histoire, la Mort d'Isabelle la Ca-
tholique.

Le portrait de J. P. Laurens vous donne le désir d'en voir
d'autres, n'est-il pas vrai} Courons chez Paul Baudry. Ses amis
— des artistes, des juges difficiles — parlent avec admiration
d'un Portrait de jeune fille, Mlle Denière, un chef-d'œuvre, dit-
on, mais hélas ! l'artiste se refuse à envoyer cette œuvre au
Salon ; il a deux autres portraits qu'il lui destine, ceux du
général Montauban et de M. Hoschedé. Espérons encore que
l'autre aussi sera livré aux regards du public. M. Carolus Duran
a deux portraits : là, dans ce fauteuil de velours d'L'trecht jaune,
assis à cette table de travail où trône un merveilleux encrier de
cristal, est M. Emile de Girardin; dont la tête vivante se dé-
tache sur un fond sombre. Le second tableau représente une
femme vêtue de blanc, descendant un escalier. Nous voyons
bien encore dans le même atelier Deux Enfants et la Tentation;
mais ce n'est pas pour cette exposition.

Voyons encore d'autres portraits, car il y en aura beaucoup
cette année : voici celui de AI. fVallon, par M. Bastien Lepage;
celui de/>/'"'' Geymard, par M. Ribot; celui de M"" Léonce De-
troyat, par M. Pérignon ; celui de M. Victor Schœlcher, par
M. Benjamin Ulmann; celui d'une Femme turque, par M. Henner,
femme imposante, de noir vêtue, au regard profond, etc., etc.

Quittant l'avenue Frocho^, descendons la rue de Rome. Nous
trouvons là un vieillard millionnaire, ancien député, qui travaille
avec une ardeur juvénile : c'est M. Charles Leroux. Il donnera
cette année un Paysage pris dans les Deux-Sèvres et la Marée
montante à Préfailles. Allons rue de La Rochefoucauld, nous y
verrons encore des paysages, et peints par un homme dont je
donne à deviner le nom... M. Ulric de Fonvieille, oui, lui-
même, celui qui joua un rôle si marquant dans !e fameux procès
auquel donna lieu le meurtre de Victor Noir, en 1870. Vous
convient-il de pousser jusqu'au bout de la rue Saint-Honoré ? Ici,
une femme chétive d'apparence, en réalité vaillante et toute possé-
dée de la flamme artistique, achève le marbre de cette Baigneuse
dont le plâtre a été tant remarqué il y a deux ans. Mme Bertaux
n'a voulu confier qu'à elle-même le soin de terminer son œuvre.
Et puisque vous voila dans la sculpture, faisons quelques pas
et jetons un coup d'œil dans l'atelier de notre excellent colla-
borateur, M. Guitton. Au milieude beaucoup d'œuvres est son Eve,
dont le succès a été grand l'an dernier, et un groupe qui fera
sensation, la Justice protégeant l'Innocence. Quant à M. Fal-
guière, il prend goût à la peinture et donnera un tableau, Cain
emportant le corps d'Abel, avec une statue de Lamartine.

Nous sommes aux Batignolles. En passant, regardons cette
toile bizarre, de Manet : c'est une Femme lavant du linge dans un
jardin. Courons vite. Qui habite cette petite maison, au fond de
ce jardin si coquet ? C'est M. Lazerges qui est peintre, mais
aussi charpentier, serrurier, et que sais-je! quand il veut, et qui,
avec ses fils, mène une vie patriarchale, au bout de Paris.
Nous verrons de lui, cette année, un tableau plein de lumière,
des émigrés allant faire la moisson en Algérie.

Nous voici bien loin maintenant et vous êtes harassés de f.i-
tigue. Que de tableaux cependant n'avons-nous pas encore à
examiner : le Jacob luttant contre l'Ange, de Bonnat, — le
Mahomet, ou plutôt l'Entrée de Mahomet II dans Constantmople.
de Georges Becker, — En reconnaissance, de Ed. Détaille, —
la Garde du drapeau, de Protais, — la Sulamite, de Cabanel, —
les Folles de la Salpétrière, de Tony-Robert Fleury, — la Pê-
cheuse de Dieppe, de Vollon, — la Vue de la place des Pyra-
mides à Paris, de M. de Nittis, et tant d'autres œuvres encore
qui mériteraient d'être citées avec éloge. Mais il faut savoir se
borner ; reposons-nous donc. Si cela vous plaît, et si nous avons
le temps, nous reprendrons nos visites un autre jour avant l'ou-
verture du Salon.

— Ce n'est pas seulement au Palais de l'Industrie que nous
aurons une exposition de peinture, mais encore dans divers Salons
 
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