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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 1)

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Heulhard, Arthur: Art dramatique, [1]: Théatre du Chatelet: Michel Strogoff ...
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Fouqué, Octave: Art musical, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.18877#0036

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ses collègues. De ces allusions translucides, de ces portraits res-
semblants, de ces caricatures vivantes il ressort une grosse et
verte ironie, une robuste et inoffensive satire qui détermine une
joie tranquille et ne soulève aucune protestation, parce que le
fond en appartient à tout le monde.

J'ai à cœur de dire que le directeur des Fantaisies-Parisiennes
de Bruxelles méritait bien les caresses du succès. M. Darcy est un

metteur en scène consommé, en même temps qu'un homme
infatigable à la peine. Je suis revenu tout joyeux de l'adresse
avec laquelle les contribuables belges retournent à l'adresse de
leurs ministres le mot de Mazarin : « Ils chantent, donc ils
payent. » — « Nous payerons, disent-ils. mais nous prendrons
au moins une revanche, vous chanterez dans nos pièces. »

Arthur Heulhard.

ART MUSICAL

Opéra : La Korrigane, ballet en deux actes, de MM. François
Coppée et Louis Mérante, musique de M. Ch. M. Widor. —
Folies-Dramatiques : La Mère des compagnons, de MM. Chi-
vot et Duru, musique de M. Hervé. — Audition des envois de
Rome au Conservatoire.

« Vous êtes musicien et vous avez de l'esprit! Cela est trop
rare, monsieur, pour que je ne prenne pas à vous le plus vif
intérêt. » C'est par ces gracieuses paroles que Voltaire accueillait
Grétry qui passait à Genève, allant de Rome à Paris, jeune
encore et inconnu, et dans un billet écrit avec l'encre mytholo-
gique du temps, avait demandé à l'hôte de Ferney la permission
de lui rendre visite. Le proverbe, « bète comme un musicien »,
était alors généralement accepté, et s'imposait, on le voit, aux
intelligences les plus hautes. Depuis lors, il a reçu plus d'un
illustre démenti. Aujourd'hui, l'esprit, comme chacun sait, court
les rues; rien d'étonnant qu'il en soit entré quelque peu dans la
cervelle des musiciens. M. Widor ^Charles-Marie), dont l'Opéra
vient de représenter un ballet en deux actes, passe pour un des
hommes dont la conversation est la plus piquante. Il écrit,
d'ailleurs, des feuilletons agréables. Voltaire l'eût considéré
comme un cas rare.

Si l'esprit est jamais nécessaire à un musicien, c'est bien au
moment de la composition d'un ballet. Pour aucun artiste créa-
teur les conditions ne sont aussi gênantes. La chorégraphie a des
mystères insondables aux simples mortels, et des lois en vertu
desquelles le compositeur doit contourner sa phrase, l'allonger,
la resserrer, tailler, rogner, étendre ou concentrer son inspira-
tion. Quelle besogne, et que de souplesse il faut pour s'en tirer!
Ne parlons pas des exigences des premiers sujets : au théâtre, il
faut toujours compter avec la virtuosité des interprètes. Suppo-
sons que tout marche à souhait. Reste la plus grande difficulté,
qui est d'exprimer avec les ressources de l'orchestre les senti-
ments de chaque personnage, l'action de chaque scène. Tandis
que dans l'opéra la musique s'appuie sur les paroles, d'où elle
tire parfois le plus clair de son mérite, c'est elle ici qui doit venir
au secours de la danse. Théophile Gautier a beau dire, celle-ci
n'exprime que peu de choses; le domaine est fort restreint des
sentiments et des idées que l'on peut rendre par l'agitation des
jambes, des bras et même des muscles de la face. Que signifie
telle ou telle arabesque, accompagnée du plus gracieux sourire
ou du froncement de sourcils le plus accentué, si dans les pro-
fondeurs de l'orchestre vous n'entendez gémir la clarinette,
babiller la petite flûte , ou le basson ricaner au sourire du
hautbois ?

Autrefois, on avait un moyen ingénieux de tourner la diffi-
culté. C'était de n'employer dans la musique de ballet que des
airs connus, que le compositeur empruntait à ses confrères ou
même à la foule et qu'il arrangeait à sa fantaisie. Un caractère
ou une situation étant donnés, on en cherchait l'équivalent dans
une chanson populaire ou dans les opéras en vogue, et la mélodie,
familière à tous les spectateurs, les mettait sur la voie. Avec l'air
les paroles revenaient à la mémoire, et chacun, le plus aisément
du monde, était fixé. Il n'en fallait pas moins de l'habileté tech-

nique et de l'esprit pour bien mettre en place et varier avec
agrément ces refrains connus. Plus d'un grand compositeur
s'est essayé à des travaux de ce genre, et c'est ainsi qu'Herold
écrivit la Fille mal gardée, qui a eu ses jours de gloire à l'Opéra
et que l'on joue encore en Italie.

L'ambition devait venir et vint aux musiciens de com-
poser leurs mélodies eux-mêmes, et de tout tirer de leur
propre fonds. Ce genre nouveau, illustré par Auber et Adam,
nous a laissé des chefs-d'œuvre. Avec Sylvia, de M. Léo Delibes,
nous entrons dans une nouvelle phase. Le ballet à écrire n'est
plus un but. mais un moyen, et qui pis est, un moyen à deux
lins. Tout d'abord le compositeur veut prouver qu'il serait
capable d'un ouvrage plus important, opéra ou opéra-comique.
En second lieu, une préoccupation s'est dressée devant lui,
impérieuse, menaçante, celle d'introduire dans son œuvre les
éléments d'une suite d'orchestre. Et cela se comprend : en
dehors des succès obtenus dans les concerts symphoniques, un
artiste peut trouver des occasions fructueuses d'exercer son talent,
mais non jeter les bases d'une réputation solide.

M. Widor n'a pas échappé à cette préoccupation ", il n'avait
pas à y échapper. On sait le sujet du libretto qui lui a été tracé
par M. François Coppée. Une pauvre fille, Yvonnettc, servante
dans une auberge de Bretagne, aime le cornemuseux Liiez sans
en être aimée. Elle voit un jour apparaître la Reine des Korri-
gans, qui la pare de beaux habits pour la mettre en état de
séduire l'insensible, à une condition, c'est que si, lorsque
sonnera l'Angelus, elle n'est pas la femme de Liiez, la jeune
fille deviendra sujette de la reine. Par la traîtrise d'un bossu,
VAngélus sonne avant l'heure, au moment où Liiez allait épou-
ser Yvonnettc. La servante est passée Korrigane, et Liiez va la
chercher la nuit sur la lande déserte. Malgré les artifices de la
reine, il reconnaît sa fiancée et l'enlève.

On ne peut reprocher au livret de la Korrigane qu'une
longueur au second acte, longueur due à la nécessité de faire
briller un instant deux jolis phalènes, M"cs Righetti et Piron.
Il a très heureusement inspiré M. Mérante, maître chorégraphe,
qui joue lui-même le rôle de Liiez, et a la satisfaction de voir
chaudement applaudir chaque soir son tableau du Pardon,
la danse des bâtons, la sabotière, toujours bissée, la lutte
des sauteurs, où M. Vasquez fait admirer sa légèreté, et tous
les moindres pas de M"0 Mauri. Quant à la musique, on l'ap-
plaudit par la même occasion, mais elle mérite bien d'être
applaudie pour elle-même. C'est l'œuvre d'un symphoniste
instruit à une forte école, qui écrit solidement sans pédantisme,
instrumente d'une main aussi légère qu'habile, et joue en vir-
tuose avec les curiosités du rythme moderne. Citons parmi
les morceaux les plus appréciés l'Entrée aux Vêpres, la Ronde
des Korrigans, la Sabotière, pensée délicate qui aurait pu
accompagner une danse plus aristocratique, la Gigue bretonne,
empruntée sans doute aux mélodies nationales, la Réception
d'Yvonnette au camp des Korrigans, l'Entrée de Liiez au second
acte, la Valse lente, dite de l'épreuve, et la Procession finale.

Quel que soit le sort du nouveau ballet, — hâtons-nous
- de dire que le succès s'annonce comme très brillant, et sans
 
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