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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 2)

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Heulhard, Arthur: Art dramatique, [3]
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ART D RA

M A TIQUE

Théâtre de la Porte-Saint-Martin : Trente ans ou la Vie I de M. Desmottes ne saurait lui fournir. Il n'y a guère que

d'un joueur (reprise). — Théâtre Déjazet : le Lys dans la
vallée (reprise). — Comédie-Parisienne : la Reine des Halles.

a Porte-Saint-Martin a repris, contre la demande
générale, Trente ans ou la Vie d'un joueur, ce
mélodrame qui a porté jusqu'à notre génération
sceptique et désenchantée les noms jadis fameux
de Ducange et Dinaux. Personne ne sentait le
besoin de revoir Trente ans ou la Vie d'un joueur que le théâtre
de Cluny, dans un élan de magnanimité qui lui fut reproché,
nous rendit, il y a trois ou quatre ans, avec l'illustre Jenneval
pour le principal personnage. L'Ecriture sainte et Rabelais, qui,
par un rapprochement singulier, possédaient à un égal degré la
faculté du dénombrement, pourraient seuls compter les larmes
qu'a fait répandre le tragique dénouement de ce mélodrame.
Mais depuis le 19 juin 1827, date h laquelle l'ouvrage fut repré-
senté pour la première fois, nos mouchoirs ont eu le temps de
sécher et nous ne les mouillerons plus au récit des infortunes
d'Amélie de Germany. Les auteurs avaient d'abord découpé
la Vie d'un joueur en trois tranches décennales qui formaient
en réalité trois tableaux. Aujourd'hui la direction de la Porte-
Saint-Martin a imaginé de nous la présenter en six actes pendant
lesquels le rideau tombe cinq fois. Ces intervalles mal ménagés
ont le tort énorme de développer dans le public l'instinct de la
réflexion, et les aventures du joueur finissent par sembler si
merveilleuses que le spectateur en rit, comme en rirait Figaro,
de peur d'être obligé d'en pleurer. Ajoutez que le style des véné-
rables Ducange et Dinaux est pourvu de manches à gigot d'un
ridicule insoutenable et qui amènent infailliblement le rire à fleur
de lèvres. Le morcellement de l'intrigue en six sections est d'au-
tant plus regrettable que les cinq premières ont été sacrifiées,
dans l'intention primitive, au coup de théâtre final où le misé-
rable Germany, à bout de crimes et d'expédients, assassine son
propre fils pour le dépouiller. La Vie d'un joueur fut, à l'aurore
de la révolution romantique, un triomphe pour Frédérick
Lemaître et M"18 Dorval. Les écrits des contemporains en sont
encore tout chauds. Tous ceux qui, par le bénéfice de l'âge,
savent l'art prodigieux avec lequel Frédérick refrénait ses empor-
tements et se repliait sur lui-même, comprennent qu'il ait fait
accepter le rôle monstrueux de Germany. L'affection qu'Amélie
lui garde, au milieu de ses débordements, n'est-elle pas intolé-
rable ? On ne l'expliquerait pas sans certaines particularités
supportables du caractère du joueur. C'est un maniaque qui a,
jusqu'à un certain point, une excuse dans sa manie môme.
Taillade, qui est cependant un acteur au jeu subtil et étudié,
n'a pas saisi cette nuance; avec lui, Germany tourne au fou
furieux. Quand Taillade se trompe, il ne se trompe pas à demi.
Pour Mmo Fromentin, qui succède à Marie Laurent dans le rôle
de la triste Amélie, elle possède, à défaut d'ampleur et d'émotion,
une intelligence très déliée qui supplée à ce qui lui manque.
Bref, cette apparition de Trente ans ou la Vie d'un joueur, sur
l'affiche de la Porte-Saint-Martin, ressemble plus à une surprise
qu'à une reprise.

Autre reprise, ressemblant encore à une surprise : M. Des-

mottes, directeur du théâtre Déjazet, a fait choix du Lys dans

'a vaHée pour inaugurer ses représentations de printemps ;

cette rencontre de mots est sans doute fort spirituelle. Par mal-

leur' 'e Ars dans la vallée, comédie-vaudeville en trois actes de
MM G

an8e et Bernard, sans confiner jamais au genre élevé,
romande une cohésion d'interprétation que la troupe actuelle
Tome XXV.

Dumoulin qui vaille la peine d'être cité; ce Dumoulin a le sens
de la charge.

Vous vous souvenez peut-être de cette salle des Menus-
Plaisirs qui montrait sa façade froide et sèche sur le boulevard
de Strasbourg, dans le voisinage de l'Eldorado? Ce malheureux
théâtre avait essayé de tous les genres; plusieurs directeurs s'v
sont ruinés, ou, sentant venir la banqueroute, ont lâché pied.
Les syndics de faillite étaient les seuls Parisiens qui connussent
l'adresse des Menus-Plaisirs; il n'y avait pas d'indiscrétion pos-
sible à l'endroit de ce théâtre que personne ne connaissait, bien
qu'il eût fait cinq ou six réouvertures solennelles. Avec M. Dor-
meuil la fortune va changer. En abandonnant la direction du
Palais-Royal à MM. Briet et Delcroix, M. Dormeuil était bien
décidé à s'abstenir désormais de toute immixtion dans les choses
du théâtre, mais il s'est ravisé ; sur les ruines des Menus-Plaisirs,
il a construit la Comédie-Parisienne, c'est-.'i-dire une salle toute
neuve de décoration et d'architecture, où l'or se relève en bosse,
où le feston et l'astragale sympathisent comme au beau temps
de l'hôtel de Rambouillet. Au plafond, en forme de dôme, brille
une mosaïque de maître mosaïste craquelée et scintillante comme
si elle était à facettes; un lustre à l'imitation de celui de l'Opéra,
toutes proportions gardées, complète richement cette ornemen-
tation originale. Le rideau, qui représente les vieilles parades
de Tabarin et Mondor sur le terre-plein du Pont-Neuf, est dû
à la brosse habile de M. Lix, et passe déjà pour un des plus
jolis qui soient à Paris. La Comédie-Parisienne est donc magni-
fiquement dans ses meubles.

Autant que nous en puissions juger par la Reine des Halles,
M. Dormeuil se propose de revenir à la comédie populaire à
ariettes telle qu'on la jouait sur le boulevard vers la fin du
siècle dernier. En effet, la Reine des Halles, qui est signée de
MM. Delacour, Victor Bernard et Burani, pourrait l'être de
Lécluse et de Vadé; elle se meut dans un décor pittoresque
cher aux Parisiens, et qui a créé tout un genre de littérature, la
littérature poissarde. Les lecteurs de ce recueil ont eu certai-
nement sous les yeux cette amusante gravure d'après Jeaurat,
où de jeunes seigneurs mènent gaillardement la volte avec les
marchandes de marée non loin du pilori des Halles. Je pensais
à cette pimpante composition en écoutant la Reine des Halles.
La pièce ne vaut rien par elle-même et n'a pas de nouveauté;
mais le gros sel des plaisanteries et la vérité toute moderne des
accessoires font qu'on s'y plaît. Pierre est une manière de fils
Angot, à qui sa mère M"10 Rose, vendeuse de poisson, a fait
donner une éducation supérieure à sa condition. Il a épousé la
fille du major Gibraltar, un beau-père qui se comporte comme
une belle-mère. La tyrannie de ce vieux, soudard exaspère son
gendre. Celui-ci, fatigué de tant de remontrances, en arrive à
quitter sa femme légitime et à courir le guilledou en compagnie
d'une artiste de banlieue, qui répond au nom poétique de Stella.
Une nuit, après une fête chez le légendaire Baratte, il lui prend
envie ainsi qu'à ses amis d'assister à la criée. Il succomberait sous
les coups du major Gibraltar si sa mère, le reconnaissant à
temps, ne facilitait sa fuite dans un grand panier à homards (d'où
les homards ont été préalablement retirés, n'est-ce pas?). Comme
il faut une fin à toute histoire et que nous vivons dans un
monde où les pires choses ont parfois le meilleur destin, Pierre
se réconcilie avec sa femme, grâce au mariage de Mme Rose,
proclamée reine des Halles, avec le major Gibraltar. Ce canevas
n'est pas de la force de six cents chevaux, vous me l'accorderez
sans peine ; Thérésa prête au rôle de Mme Rose l'appui de son

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