HISTOIRE ARTISTIQUE DU MÉTAL'
IV
LE MÉTAL
DANS LES TEMPS MODERNES
( SUITE ET FIN)
LES APPLICATIONS MOBILIÈRES
(Suite et fin.)
Les pendules monumentales en marqueterie de Boulle sont
quelquefois d'un caractère superbe. La gaine, enrichie de beaux
bronzes dore's, porte la pendule, habituellement surmontée d'une
figure du Temps. Dans une de ces pendules, on voit, sous le
mouvement, un joli bas-relief représentant les Parques.
« Les ouvrages de cet habile homme, dit Gersaint, en par-
- i—ir— -•■'>-) i'uusm ic caprice jusqu a
lant de Boulle, sont toujours recherchés avidement par les l'exagération; mais .des artistes d'un mérite rare apparurent
curieux, quoiqu'ils soient d'un goût différent de celui qui règne | alors : tel Philippe Caflieri, dont les almanachs nous donnent
aujourd'hui... Jamais on n'a travaillé avec plus de goût, plus de j l'adresse rue des Canettes. Issu d'une famille de sculpteurs
soin, plus de solidité et plus d'honneur que lui, et rien ne sortait ; renommés, sculpteur lui-même, il imprima à ses ouvrages un
superbe meuble, qui provient du château de Versailles, a été
ensuite au château de Coppet, d'où il est passé en Italie : il fai-
sait partie de la collection aujourd'hui disséminée du château de
San Donato.
« Quant à Louis XV et à la Régence, ce fut, dit A. Jacquemart,
une transformation absolue ; avec le mobilier intime, on vit
commencer l'ère des chicorées et des rocailles, en même temps
que la perfection de la ciselure ; parmi les promoteurs du genre,
il faut citer Meissonnier qui, peut-être, poussa le caprice jusqu'à
de ses mains qui ne fût à l'abri de tout reproche, même jusqu'aux
parties qu'il était obligé de confier au dehors... »
Crescent père et fils, qui vinrent après Boulle et firent éga-
lement des meubles enrichis d'ornements en cuivre et en écaille
acquirent une grande réputation sous la Régence. Crescent fils
portait le titre d'« ébéniste des palais du duc d'Orléans », et ses
ouvrages, comme il le dit lui-même, « peuvent se placer dans les
plus beaux appartements des personnes les plus curieuses ».
« C'est au XVin' siècle, dit A. Jacquemart, que le bronze
appliqué à l'ornementation mobilière, prend chez nous une
importance capitale ; il s'agissait de le faire concourir aux déco-
rations somptueuses des palais, et de le mettre souvent en riva-
lité avec l'orfèvrerie monumentale alors en usage. Est-ce aux
mêmes mains que sont dus les spécimens des deux arts ? Il est
permis de le supposer en les voyant sortir d'un centre unique en
vertu d'une même impulsion : la réunion au Louvre, puis aux
Gobelins, de tous les artistes chargés de la confection du mobi-
lier royal, la surintendance des travaux donnée à un même
artiste, homme de haute réputation, devaient avoir pour effet
d'amener une harmonie d'ensemble en rendant toutes les indivi-
dualités solidaires d'une pensée unique. Aussi, s'il est possible
encore de saisir quelque ressouvenir du passé dans les bronzes
des époques de Henri IV et de Louis XIII, le règne de
Louis XIV se présente de toutes pièces, avec ce style quelque
peu gourmé, mais plein de grandeur, dominé par les formes de
l'architecture contemporaine et par le génie de Le Brun. »
A l'époque où Boulle découpait le cuivre et le mêlait si
ingénieusement à l'écaillé pour la décoration des meubles, le
cachet de bon goût et de remarquable élégance. On peut citer
parmi ses meilleurs ouvrages les meubles chargés de bronzes
que.nous avons déjà mentionnés : l'un dans la collection de Sir
Richard Wallace, l'autre chez M. le baron Gustave de Rothschild.
Pour éviter que ses travaux fussent confondus avec la niasse des
imitations qu'on cherchait à en faire, il les poinçonnait d'un
C couronné qu'il appliqua jusque sur les objets formant sa col-
lection : nous l'avons vu sur un magnifique bronze florentin et
sur un groupe en bronze du Laocoon, aujourd'hui classé dans
le cabinet de M. Charles Mannheim. Caffieri eut un rival.
Crescent, dont les bronzes sont aussi fort remarquables, serait
plus connu, si sa réputation n'eût été éclipsée par celle de son élève
Gouthière. N'oublions pas Gallien, dont les recherches de M. Louis
Courajod révèlent le mérite. « C'est en effet un véritable artiste,
dit-il, que ce Gallien, à qui Duvaux demanda une grille; son titre
modeste de « maître fondeur » ne l'a pas fait assez remarquer. Ses
contemporains cependant appréciaient bien son mérite. Il modela
et exécuta pour le roi différentes horloges de grand apparat et
destinées à décorer certains appartements publics des palais de la
couronne. C'est à lui que les intendants des menus commandè-
rent de dessiner, fondre et ciseler la superbe pendule de la
cheminée du cabinet du conseil, à Versailles, lors de la réfection
de ce salon, en iy56. Elle représentait la France gouvernée par
la Sagesse, et couronnée par la Victoire, qui accorde sa protec-
tion aux Arts. Elle fut payée 6,5oo livres à son auteur. L'admi-
ration qu'excita cette œuvre est constatée par le duc de Luynes
dans ses Mémoires. »
« C'est du fils de Philippe Caffieri, deuxième du nom, qu'i
oût de la dorure était à peu près général dans la décoration. On j est question ici, dit le baron Ch. Davilliers. Il ne se voua pas à
n'est donc pas surpris de voir le bois sculpté et doré prendre
dans le mobilier une grande importance, et chercher à remplacer
les applications métalliques mises à la mode par Boulle et ses
successeurs. Il est à remarquer même que c'est surtout dans les
meubles en bois sculpté et doré que le style a commencé à se
contourner et les ornements à prendre une importance prépon-
dérante aux dépens des grandes lignes, ce qui a formé le genre
appelé rocaille. Une belle table, qui a appartenu au grand dau-
phin, fils de Louis XIV, et qui fut plus tard donnée à Necker
par Louis XVI, montre bien cette période de transition. Ce
la grande sculpture et ne fut pas, comme Jean-Jacques, de
l'Académie royale. Il borna son ambition à être membre de la
modeste Académie de Saint-Luc. Parfois, cependant, il lui arriva
de collaborer pour ainsi dire avec son frère, en ajoutant aux
ouvrages de celui-ci la partie ornementale. Philippe Caffieri
acquit de son vivant une grande réputation pour les bronzes
d'ameublement; VAlmanach Dauphin de 1711 le cite parmi les
artistes les plus connus de l'Académie de Saint-Luc, et comme-
< renommé pour ciseler et fondre » ; il figure aussi dans VAlma-
nach des Marchands, parmi les fondeurs acheveurs. 1 Les
1. Voir l'Art, 6' année, tome III, page 30? ; tome IV, pages 20, 44, 67, go, 114, 161, =12 et 238; y année, tome l", pages 65, 88, m, 13 , ,j8 ,8;, 20;,
236, 287 et 320; tome II, page 14.
IV
LE MÉTAL
DANS LES TEMPS MODERNES
( SUITE ET FIN)
LES APPLICATIONS MOBILIÈRES
(Suite et fin.)
Les pendules monumentales en marqueterie de Boulle sont
quelquefois d'un caractère superbe. La gaine, enrichie de beaux
bronzes dore's, porte la pendule, habituellement surmontée d'une
figure du Temps. Dans une de ces pendules, on voit, sous le
mouvement, un joli bas-relief représentant les Parques.
« Les ouvrages de cet habile homme, dit Gersaint, en par-
- i—ir— -•■'>-) i'uusm ic caprice jusqu a
lant de Boulle, sont toujours recherchés avidement par les l'exagération; mais .des artistes d'un mérite rare apparurent
curieux, quoiqu'ils soient d'un goût différent de celui qui règne | alors : tel Philippe Caflieri, dont les almanachs nous donnent
aujourd'hui... Jamais on n'a travaillé avec plus de goût, plus de j l'adresse rue des Canettes. Issu d'une famille de sculpteurs
soin, plus de solidité et plus d'honneur que lui, et rien ne sortait ; renommés, sculpteur lui-même, il imprima à ses ouvrages un
superbe meuble, qui provient du château de Versailles, a été
ensuite au château de Coppet, d'où il est passé en Italie : il fai-
sait partie de la collection aujourd'hui disséminée du château de
San Donato.
« Quant à Louis XV et à la Régence, ce fut, dit A. Jacquemart,
une transformation absolue ; avec le mobilier intime, on vit
commencer l'ère des chicorées et des rocailles, en même temps
que la perfection de la ciselure ; parmi les promoteurs du genre,
il faut citer Meissonnier qui, peut-être, poussa le caprice jusqu'à
de ses mains qui ne fût à l'abri de tout reproche, même jusqu'aux
parties qu'il était obligé de confier au dehors... »
Crescent père et fils, qui vinrent après Boulle et firent éga-
lement des meubles enrichis d'ornements en cuivre et en écaille
acquirent une grande réputation sous la Régence. Crescent fils
portait le titre d'« ébéniste des palais du duc d'Orléans », et ses
ouvrages, comme il le dit lui-même, « peuvent se placer dans les
plus beaux appartements des personnes les plus curieuses ».
« C'est au XVin' siècle, dit A. Jacquemart, que le bronze
appliqué à l'ornementation mobilière, prend chez nous une
importance capitale ; il s'agissait de le faire concourir aux déco-
rations somptueuses des palais, et de le mettre souvent en riva-
lité avec l'orfèvrerie monumentale alors en usage. Est-ce aux
mêmes mains que sont dus les spécimens des deux arts ? Il est
permis de le supposer en les voyant sortir d'un centre unique en
vertu d'une même impulsion : la réunion au Louvre, puis aux
Gobelins, de tous les artistes chargés de la confection du mobi-
lier royal, la surintendance des travaux donnée à un même
artiste, homme de haute réputation, devaient avoir pour effet
d'amener une harmonie d'ensemble en rendant toutes les indivi-
dualités solidaires d'une pensée unique. Aussi, s'il est possible
encore de saisir quelque ressouvenir du passé dans les bronzes
des époques de Henri IV et de Louis XIII, le règne de
Louis XIV se présente de toutes pièces, avec ce style quelque
peu gourmé, mais plein de grandeur, dominé par les formes de
l'architecture contemporaine et par le génie de Le Brun. »
A l'époque où Boulle découpait le cuivre et le mêlait si
ingénieusement à l'écaillé pour la décoration des meubles, le
cachet de bon goût et de remarquable élégance. On peut citer
parmi ses meilleurs ouvrages les meubles chargés de bronzes
que.nous avons déjà mentionnés : l'un dans la collection de Sir
Richard Wallace, l'autre chez M. le baron Gustave de Rothschild.
Pour éviter que ses travaux fussent confondus avec la niasse des
imitations qu'on cherchait à en faire, il les poinçonnait d'un
C couronné qu'il appliqua jusque sur les objets formant sa col-
lection : nous l'avons vu sur un magnifique bronze florentin et
sur un groupe en bronze du Laocoon, aujourd'hui classé dans
le cabinet de M. Charles Mannheim. Caffieri eut un rival.
Crescent, dont les bronzes sont aussi fort remarquables, serait
plus connu, si sa réputation n'eût été éclipsée par celle de son élève
Gouthière. N'oublions pas Gallien, dont les recherches de M. Louis
Courajod révèlent le mérite. « C'est en effet un véritable artiste,
dit-il, que ce Gallien, à qui Duvaux demanda une grille; son titre
modeste de « maître fondeur » ne l'a pas fait assez remarquer. Ses
contemporains cependant appréciaient bien son mérite. Il modela
et exécuta pour le roi différentes horloges de grand apparat et
destinées à décorer certains appartements publics des palais de la
couronne. C'est à lui que les intendants des menus commandè-
rent de dessiner, fondre et ciseler la superbe pendule de la
cheminée du cabinet du conseil, à Versailles, lors de la réfection
de ce salon, en iy56. Elle représentait la France gouvernée par
la Sagesse, et couronnée par la Victoire, qui accorde sa protec-
tion aux Arts. Elle fut payée 6,5oo livres à son auteur. L'admi-
ration qu'excita cette œuvre est constatée par le duc de Luynes
dans ses Mémoires. »
« C'est du fils de Philippe Caffieri, deuxième du nom, qu'i
oût de la dorure était à peu près général dans la décoration. On j est question ici, dit le baron Ch. Davilliers. Il ne se voua pas à
n'est donc pas surpris de voir le bois sculpté et doré prendre
dans le mobilier une grande importance, et chercher à remplacer
les applications métalliques mises à la mode par Boulle et ses
successeurs. Il est à remarquer même que c'est surtout dans les
meubles en bois sculpté et doré que le style a commencé à se
contourner et les ornements à prendre une importance prépon-
dérante aux dépens des grandes lignes, ce qui a formé le genre
appelé rocaille. Une belle table, qui a appartenu au grand dau-
phin, fils de Louis XIV, et qui fut plus tard donnée à Necker
par Louis XVI, montre bien cette période de transition. Ce
la grande sculpture et ne fut pas, comme Jean-Jacques, de
l'Académie royale. Il borna son ambition à être membre de la
modeste Académie de Saint-Luc. Parfois, cependant, il lui arriva
de collaborer pour ainsi dire avec son frère, en ajoutant aux
ouvrages de celui-ci la partie ornementale. Philippe Caffieri
acquit de son vivant une grande réputation pour les bronzes
d'ameublement; VAlmanach Dauphin de 1711 le cite parmi les
artistes les plus connus de l'Académie de Saint-Luc, et comme-
< renommé pour ciseler et fondre » ; il figure aussi dans VAlma-
nach des Marchands, parmi les fondeurs acheveurs. 1 Les
1. Voir l'Art, 6' année, tome III, page 30? ; tome IV, pages 20, 44, 67, go, 114, 161, =12 et 238; y année, tome l", pages 65, 88, m, 13 , ,j8 ,8;, 20;,
236, 287 et 320; tome II, page 14.