NOTRE BIBLIOTHÈQUE.
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ensuite ses complices, de peur d'être trahi; enfin, il nous
assassinerait, vous et moi, si la toile ne tombait en même temps
que sa tête. Ce qui n'est pas narrable, c'est le chaos de phrases
folles débitées par les acteurs et la construction misérable de
la pièce. Les spectateurs, race débonnaire, ont puisé dans leur
patience et aussi dans leur belle humeur les forces nécessaires
pour suivre jusqu'au bout ce tissu d'horreurs. S'il y avait en
France une maison de correction littéraire, il faudrait y
enfermer les auteurs de la Cellule ;i° 7, avec une grammaire et
un dictionnaire.
Arthur Heulhard.
/
NOTRE BIBLIOTHEQUE
CCXLIII
Les Œuvres de Bernard Palissy, publiées d'après les textes
originaux, avec une notice historique et bibliographique et
une table analytique. Un volume in-16 jésus de xxvn-
5oo pages. Paris, Charavay frères, éditeurs. 1881.
Voici les titres des ouvrages de Bernard Palissy contenus
dans ce volume :
I. Recette véritable par laquelle tous les hommes de la
France pourront apprendre à multiplier et augmenter leurs
trésors ;
Item, ceux qui n'ont jamais eu connaissance des lettres
pourront apprendre une philosophie nécessaire à tous les habi-
tants de la terre ;
Item, en ce livre est contenu le dessin d'un jardin autant
délectable et d'utile invention qu'il en fût oncques vu;
Item, le dessin et l'ordonnance d'une ville de forteresse, la
plus imprenable qu'homme ouït jamais parler, composé par
maître Bernard Palissy, ouvrier de terre et inventeur des
rustiques figulines du roi et de monseigneur le duc de Mont-
morency, pair et connétable de France, demeurant en la ville
de Saintes.
II. Discours admirables de la nature, des eaux et fontaines,
tant naturelles qu'artificielles, des métaux, des sels et salines,
des pierres, des terres, du feu et des émaux, avec plusieurs
autres excellents secrets des choses naturelles;
Plus un traité de la marne, fort utile et nécessaire pour
ceux qui se mêlent de l'agriculture ;
Le tout dressé par dialogues esquels sont introduits la
Théorique et la Pratique. Par M. Bernard Palissy, inventeur
des rustiques figulines du roi et de la reine sa mère.
Les principaux points traités en ce livre sont :
1» Des eaux des fleuves, fontaines, puits, citernes, étangs,
mares et autres eaux douces; de leur origine, bonté, mauvaiseté
et autres qualités, avec le moyen de faire des fontaines en tous
lieux ;
20 De l'alchimie : des métaux, de leur génération et nature ;
3° De l'or potable ;
4° Du mithridate;
5° Des glaces;
G0 Des diverses sortes de sels végétatifs ou génératifs, et
soutenant les formes, en la génération de ces corps terrestres;
de leur nature et merveilleux effets ;
70 Du sel commun; la manière de le faire avec la descrip-
tion des marais salants ;
8° Des pierres tant communes que précieuses; des causes
de leur génération; des diverses formes, couleur, pesanteur,
dureté, transparence et autres qualités d'icelles;
90 Des diverses terres d'argile, nature et effets d'icelles;
io° De l'art de terre, de son utilité; des émaux et du feu;
ii° De la marne, de son utilité, avec le moyen de la con-
naître et en trouver en toutes provinces ;
12° Copie des écrits qui sont mis au-dessous des choses
merveilleuses que l'auteur de ce livre a préparées et mises par
ordre en son cabinet pour prouver toutes les choses contenues
en ce livre; parce qu'aucuns ne voudraient croire, afin d'assu-
rer ceux qui voudront prendre la peine de les venir voir en son
cabinet, et les ayant vues, s'en iront certains de toutes les
choses écrites en ce livre;
i3° Fxtrait des sentences principales contenues au présent
livre;
14° Explication des mots les plus difficiles.
III. Devis d'une grotte pour la reine mère du roi. De la
beauté et ornement de la grotte.
Le volume se termine par une table des chapitres et une
table analytique. Nous avons transcrit tout au long les titres
des divers ouvrages de Palissy parce que ces titres ne sont
autre chose que des résumés faits par l'auteur même et plus
exacts que nous n'aurions pu les faire.
Bernard Palissy n'est guère connu que comme « inventeur
des rustiques figulines », mais, malgré tout le mérite de cette
invention, c'est lui faire grand tort que de le réduire à cela.
Aussi devons-nous savoir le plus grand gré à M. Anatole
France, qui en publiant ses œuvres complètes nous permet de
rendre pleine justice à cet infatigable chercheur. En réalité
jamais homme n'a eu à un plus haut degré les deux qualités
qui font les savants, le génie de l'observation et l'opiniâtreté
intellectuelle. A l'époque où il est né, i5io, la science était
peu avancée et l'instruction qu'il reçut fut des plus élémen-
taires. Mais il ne pouvait rien voir sans en chercher les raisons.
Dans le tour de France qu'il fit en sortant d'apprentissage,
suivant l'usage alors presque général parmi les ouvriers, il eut
l'occasion de voir beaucoup de choses, et il acquit par lui-
même une multitude de connaissances qu'il n'eût pu trouver
dans les livres d'alors. C'est le résultat de ces observations,
mûries par une longue et patiente réflexion, qu'il expose dans
les divers traités dont se compose ce volume.
Cette exposition est des plus intéressantes, non pas seule-
ment par le nombre considérable de vérités nouvelles pour
l'époque qu'ils renferment, mais par le caractère personnel de
l'exposition même. On y trouve cette saveur de la science
acquise directement par l'observation individuelle et un senti-
ment très accentué de l'utilité pratique qui en peut résulter pour
ses contemporains. Quand on voit avec quelle sagacité il
pénètre les raisons des préjugés qu'il trouve autour de lui, et
avec quelle puissance de raisonnement il les bat en brèche,
en remplaçant les opinions chimériques par des explications
positives, on ne peut s'empêcher de se demander jusqu'où
aurait pu aller un pareil esprit, s'il avait vécu deux siècles plus
tard, et recueillir dans des livres bien faits le résultat des expé-
riences antérieures; si au lieu d'être arrêté aux broussailles des
voies non frayées, il avait pu arriver d'emblée aux grandes
questions et y appliquer cette puissance de réflexion, cette
ténacité d'intelligence qui étaient sa marque propre? Je ne
connais pas pour mon compte de lecture plus saisissante que
celle des vingt pages qu'il consacre au récit de ses efforts à la
poursuite de « l'art de terre ». Ce simple récit est certainement
d'un effet plus dramatique que toutes nos tragédies et laisse
dans l'esprit du lecteur une impression d'un ordre autrement
élevé que les plus vives peintures de psychologie amoureuse
qui remplissent nos théâtres.
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ensuite ses complices, de peur d'être trahi; enfin, il nous
assassinerait, vous et moi, si la toile ne tombait en même temps
que sa tête. Ce qui n'est pas narrable, c'est le chaos de phrases
folles débitées par les acteurs et la construction misérable de
la pièce. Les spectateurs, race débonnaire, ont puisé dans leur
patience et aussi dans leur belle humeur les forces nécessaires
pour suivre jusqu'au bout ce tissu d'horreurs. S'il y avait en
France une maison de correction littéraire, il faudrait y
enfermer les auteurs de la Cellule ;i° 7, avec une grammaire et
un dictionnaire.
Arthur Heulhard.
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NOTRE BIBLIOTHEQUE
CCXLIII
Les Œuvres de Bernard Palissy, publiées d'après les textes
originaux, avec une notice historique et bibliographique et
une table analytique. Un volume in-16 jésus de xxvn-
5oo pages. Paris, Charavay frères, éditeurs. 1881.
Voici les titres des ouvrages de Bernard Palissy contenus
dans ce volume :
I. Recette véritable par laquelle tous les hommes de la
France pourront apprendre à multiplier et augmenter leurs
trésors ;
Item, ceux qui n'ont jamais eu connaissance des lettres
pourront apprendre une philosophie nécessaire à tous les habi-
tants de la terre ;
Item, en ce livre est contenu le dessin d'un jardin autant
délectable et d'utile invention qu'il en fût oncques vu;
Item, le dessin et l'ordonnance d'une ville de forteresse, la
plus imprenable qu'homme ouït jamais parler, composé par
maître Bernard Palissy, ouvrier de terre et inventeur des
rustiques figulines du roi et de monseigneur le duc de Mont-
morency, pair et connétable de France, demeurant en la ville
de Saintes.
II. Discours admirables de la nature, des eaux et fontaines,
tant naturelles qu'artificielles, des métaux, des sels et salines,
des pierres, des terres, du feu et des émaux, avec plusieurs
autres excellents secrets des choses naturelles;
Plus un traité de la marne, fort utile et nécessaire pour
ceux qui se mêlent de l'agriculture ;
Le tout dressé par dialogues esquels sont introduits la
Théorique et la Pratique. Par M. Bernard Palissy, inventeur
des rustiques figulines du roi et de la reine sa mère.
Les principaux points traités en ce livre sont :
1» Des eaux des fleuves, fontaines, puits, citernes, étangs,
mares et autres eaux douces; de leur origine, bonté, mauvaiseté
et autres qualités, avec le moyen de faire des fontaines en tous
lieux ;
20 De l'alchimie : des métaux, de leur génération et nature ;
3° De l'or potable ;
4° Du mithridate;
5° Des glaces;
G0 Des diverses sortes de sels végétatifs ou génératifs, et
soutenant les formes, en la génération de ces corps terrestres;
de leur nature et merveilleux effets ;
70 Du sel commun; la manière de le faire avec la descrip-
tion des marais salants ;
8° Des pierres tant communes que précieuses; des causes
de leur génération; des diverses formes, couleur, pesanteur,
dureté, transparence et autres qualités d'icelles;
90 Des diverses terres d'argile, nature et effets d'icelles;
io° De l'art de terre, de son utilité; des émaux et du feu;
ii° De la marne, de son utilité, avec le moyen de la con-
naître et en trouver en toutes provinces ;
12° Copie des écrits qui sont mis au-dessous des choses
merveilleuses que l'auteur de ce livre a préparées et mises par
ordre en son cabinet pour prouver toutes les choses contenues
en ce livre; parce qu'aucuns ne voudraient croire, afin d'assu-
rer ceux qui voudront prendre la peine de les venir voir en son
cabinet, et les ayant vues, s'en iront certains de toutes les
choses écrites en ce livre;
i3° Fxtrait des sentences principales contenues au présent
livre;
14° Explication des mots les plus difficiles.
III. Devis d'une grotte pour la reine mère du roi. De la
beauté et ornement de la grotte.
Le volume se termine par une table des chapitres et une
table analytique. Nous avons transcrit tout au long les titres
des divers ouvrages de Palissy parce que ces titres ne sont
autre chose que des résumés faits par l'auteur même et plus
exacts que nous n'aurions pu les faire.
Bernard Palissy n'est guère connu que comme « inventeur
des rustiques figulines », mais, malgré tout le mérite de cette
invention, c'est lui faire grand tort que de le réduire à cela.
Aussi devons-nous savoir le plus grand gré à M. Anatole
France, qui en publiant ses œuvres complètes nous permet de
rendre pleine justice à cet infatigable chercheur. En réalité
jamais homme n'a eu à un plus haut degré les deux qualités
qui font les savants, le génie de l'observation et l'opiniâtreté
intellectuelle. A l'époque où il est né, i5io, la science était
peu avancée et l'instruction qu'il reçut fut des plus élémen-
taires. Mais il ne pouvait rien voir sans en chercher les raisons.
Dans le tour de France qu'il fit en sortant d'apprentissage,
suivant l'usage alors presque général parmi les ouvriers, il eut
l'occasion de voir beaucoup de choses, et il acquit par lui-
même une multitude de connaissances qu'il n'eût pu trouver
dans les livres d'alors. C'est le résultat de ces observations,
mûries par une longue et patiente réflexion, qu'il expose dans
les divers traités dont se compose ce volume.
Cette exposition est des plus intéressantes, non pas seule-
ment par le nombre considérable de vérités nouvelles pour
l'époque qu'ils renferment, mais par le caractère personnel de
l'exposition même. On y trouve cette saveur de la science
acquise directement par l'observation individuelle et un senti-
ment très accentué de l'utilité pratique qui en peut résulter pour
ses contemporains. Quand on voit avec quelle sagacité il
pénètre les raisons des préjugés qu'il trouve autour de lui, et
avec quelle puissance de raisonnement il les bat en brèche,
en remplaçant les opinions chimériques par des explications
positives, on ne peut s'empêcher de se demander jusqu'où
aurait pu aller un pareil esprit, s'il avait vécu deux siècles plus
tard, et recueillir dans des livres bien faits le résultat des expé-
riences antérieures; si au lieu d'être arrêté aux broussailles des
voies non frayées, il avait pu arriver d'emblée aux grandes
questions et y appliquer cette puissance de réflexion, cette
ténacité d'intelligence qui étaient sa marque propre? Je ne
connais pas pour mon compte de lecture plus saisissante que
celle des vingt pages qu'il consacre au récit de ses efforts à la
poursuite de « l'art de terre ». Ce simple récit est certainement
d'un effet plus dramatique que toutes nos tragédies et laisse
dans l'esprit du lecteur une impression d'un ordre autrement
élevé que les plus vives peintures de psychologie amoureuse
qui remplissent nos théâtres.