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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 2)

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Fouqué, Octave: Art musical, [4]
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Vandalisme
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https://doi.org/10.11588/diglit.18878#0109

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VANDA

tation; il contient de jolis accents, mais les harmonies en sont
parfois faibles, et en somme l'effet reste assez médiocre. Les
deux autres chœurs sont tombes de la plume de l'auteur en 1848.
Berlioz, qui e'tait au nombre des vaincus de février, se laissait
alors aller à un découragement profond, et il cherchait à se
donner du cœur en célébrant les funérailles des personnages de
Shakespeare, ces fantômes chéris qu'il a constamment et ardem-
ment aimés, Ophélie, Hamlet.

La Mort d'Ophélie, sur des paroles de M. Legouvé, a déjà
été exécutée aux concerts du Conservatoire; c'est un chant à
deux voix de femme, accompagné par le murmure attristé de
l'orchestre, et qui attire et retient le cœur comme l'eau courante
le regard par une sorte de doux vertige. Quant à la Marche
funèbre pour la dernière scène d'Hamlet, l'exécution qu'en a
donnée M. Colonne est, croyons-nous, la première qui ait
jamais été tentée. La partition, que nous avions eu soin de par-
courir, est certes une des choses les plus curieuses qu'on puisse
voir en ce genre. Elle porte pour épigraphe une citation du
drame de Shakespeare :

« Que quatre capitaines portent Hamlet comme un guer-
rier... Que sur son passage la musique militaire et les rites de la
guerre parlent hautement pour lui... Emportez ce corps... Allez,
ordonnez aux soldats de faire feu. »

La tablature est celle de l'orchestre ordinaire; la famille des
cuivres est seulement renforcée de deux cornets à piston et d'un
ophicléide. Suivant son habitude, Berlioz indique le nombre
d'instruments à cordes qui lui paraît nécessaire pour l'équilibre
de ses sonorités; il déclare qu'il lui faut au moins quinze
premiers et autant de seconds violons, douze altos, douze vio-
loncelles et dix contrebasses — chiffre minimum. C'est le chœur
qui débute; il est à deux parties, et, placé derrière la scène, il
fait entendre une tenue d'une mesure à l'octave sur la syllabe :
Ah! A côté de cette note se trouve placée l'indication suivante :

II faut avec le chœur deux violons ou deux altos pour
empêcher les voix de baisser.

Le lecteur naïf s'imagine dès lors que ces voix ont une
partie très difficile ; il parcourt la ligne qui leur est réservée, et
n'y trouve que de simples, de nouvelles interjections, à de longs
intervalles, toujours à l'octave et sur la même syllabe: Ah! On
tolère un grain de folie chez les compositeurs, mais ici Berlioz
ne semblc-t-il pas abuser de la permission?

Si le rôle du chœur se borne à quelques notes, celui de la
percussion est autrement chargé. Elle se compose de six tambours
voilés, une grosse caisse, une paire de cymbales et un tam-tam.
Elle est placée derrière la scène, comme le chœur, assez loin de
l'orchestre, et il semble que ce soit elle, non le chef, qui dirige
l'exécution, car à l'endroit où les tambours commencent à faire
entendre leur battement, Berlioz a placé l'annotation suivante :

Ici le chef d'orchestre aura bien soin de suivre de l'oreille le
rythme des tambours du théâtre, pour maintenir l'ensemble
entre eux et les autres instruments.

LISME. 9i

Enfin, plus loin, apparaît un signe cabalistique près duquel
on lit :

Feu de peloton derrière le théâtre,plus loin que les tambours.
« Excusez du peu », aurait dit Rossini.

La Marche funèbre d'Hamlet a été exécutée dans la per-
fection par l'orchestre de l'Association artistique. M. Colonne
est un chef si scrupuleusement soigneux, il a une si complète
possession de soi-même et tient si bien au bout de son archet
les musiciens qu'il dirige, que toute crainte est vaine avec lui.
Berlioz peut dormir tranquille dans sa tombe ; aux concerts du
Châtelet, les voix ne baisseront pas, l'orchestre ne brisera pas le
rythme des tambours, et la décharge de mousqueterie partira au
moment voulu.

Après quelques mesures d'une vague introduction, sur
laquelle le premier gémissement du chœur invisible jette déjà
une note de tristesse et de deuil, les premiers violons exposent
une mélodie d'une noblesse imposante. L'harmonie est étrange et
pesamment rythmée par les contrebasses. A ce premier chant
les trompettes répondent par un cri douloureux qui revient
plusieurs fois. Puis, après quelques répliques du chœur, les
premiers violons font entendre de nouveau leur mélodie qui,
placée à l'octave supérieure et doublée par les seconds, prend
un nouvel accent et un caractère de pénétrante et mordante
âpreté; la plainte déchirante des cuivres leur répond toujours.
Bientôt les tambours s'emparent bruyamment du rythme des
contrebasses; un crescendo se poursuit qui vous enveloppe dans
une espèce de vertige; les soldats font feu, et ce bruit effrayant
est suivi d'un solennel silence. Un soupir des clarinettes et des
violoncelles, un sourd frémissement du gong, une suprême et
lointaine réponse du chœur, et tout est dit.

On pourrait disserter longtemps et écrire plusieurs volumes
sur la question de savoir jusqu'à quel point les moyens extraor-
dinaires employés par Berlioz peuvent être justement autorisés
dans la musique. Assurément nous serions des premiers à
condamner l'usage des tambours, des coups de feu ou la repro-
duction mécanique des bruits de la nature dans une composition
médiocre et qui ne tirerait son effet que de ces procédés en
somme peu artistiques. Mais dans le morceau que nous venons
d'analyser, il y a autre chose que des bruits; le feu de peloton
détermine un effet très saisissant, mais il ne constitue pas tout
le morceau. Il joue dans la composition le rôle d'un accessoire
à la vérité fort important, il n'en est pas le principal. Le principal,
nous l'avons dit, c'est une idée musicale grande, noble, élevée.
Pourquoi interdire au compositeur la faculté de mettre en œuvre
cette idée, et d'en augmenter l'effet par les moyens qui sont en
son pouvoir? La rigueur des règles doit fléchir sous l'effort du
génie. La Marche funèbre pour la dernière scène d'Hamlet est,
à coup sûr, une œuvre de poète, et là où l'on reconnaît un
poète, il faut discuter le moins possible : s'incliner et admirer
est encore le meilleur.

Octave Fouque.

VANDALISME1

XIII

Espagne. — Un touriste qui revient d'Espagne nous raconte
avoir vu donner l'ordre de renouveler le velours usé des magni-

fiques selles de l'Armeria de Madrid!!! et d'exécuter ce mons-
trueux travail non pas même dans ce merveilleux Musée, mais
au domicile d'un sellier chez qui l'on envoie ces pièces histo-
riques pour les massacrer de la sorte, sans parler de tous les
autres dangers auquels on les expose !!!

1. Voir l'Art, s* année, tome I", pages >T4. =05 et 274; tome [II, page 141; t°me ivi PaSe 23 ; 6" année, tome 111, pages 46 et 283 ; tome IV, pages 41,
"9. 187 et 305. *
 
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