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Il est bien regrettable qu'on n'ait sur la biographie d'un
pareil homme qu'un si petit nombre de renseignements. La
notice où M. Anatole France a réuni tout ce qu'on sait de cette
vie si bien remplie ne comprend qu'une vingtaine de pages.
Encore faut-il nous réjouir que cela suffise à démontrer que
chez Palissy le caractère était à la hauteur de l'intelligence.
Eugène Véron.
CCXLIV
Une Famille de peintres alsaciens : les Guérin, 1-34-1846.
Une plaquette in-4° de 28 pages, ornée de deux portraits,
par Etienne Charavay, archiviste paléographe. Paris, Cha-
ravay frères. 1880.
Le premier de la série est le graveur Jean Guérin, né en
1734, mort en 1787. Il n'était pas Alsacien. Vers 1750, il avait
quitté sa ville natale, Langres, pour aller s'établir à Strasbourg,
où il épousa en 1755 Marguerite Heller, de Wissembourg. Son
portrait, qui est fort rare et qui nous montre l'artiste dans
l'exercice de sa profession, a été gravé par son fils Christophe.
Il a été tiré en tète de l'ouvrage, sur la planche originale qui
appartient à son arrière-petit-fils, M. Jules Guérin.
Le fils aîné de Jean, Christophe Guérin ( 1758-1831), naquit
à Strasbourg et succéda à son père comme graveur de la mon-
naie de cette ville. Il y fonda un musée de peinture, dont
il resta toute sa vie le conservateur. Il était en même temps
professeur à l'École gratuite de dessin, où il eut pour élèves
Henriquel-Dupont, Bcin et Muller. Il a laissé plusieurs gravures
remarquables, d'après le Corrège, Raphaël, Jules Romain et
Loutherbourg.
Jean-Urbain (1761-1835), frère de Christophe, vint achever
ses études à Paris et s'adonna à la miniature. Il fit les portraits
de Louis XVI, de Marie-Antoinette et d'un grand nombre de
personnages de la cour et de l'Assemblée nationale, et des
généraux de la République. En 1808, il fit celui de l'impéra-
trice Joséphine, et, après 1814, ceux de Louis XVIII et des
princes de la maison de Bourbon. M. Charavay a donné sur
RT.
l'œuvre très considérable de cet artiste un grand nombre de
renseignements nouveaux et précis.
Gabriel-Christophe Guérin (1790-1846), fils de Christophe
et neveu de Jean-Urbain, après avoir fait ses études à Paris,
dans l'atelier de Regnault, retourna en 1822 à Strasbourg, où
on lui offrait la survivance de la charge de conservateur du
Musée, occupée par son père, et une place de professeur de
dessin au Lycée et à l'Ecole industrielle. On trouve dans les
églises et dans les monuments de l'Alsace un grand nombre de
• ses œuvres. Il exposa aussi quelquefois aux Salons de Paris,
en 1827, i83i, 1844. Il avait ouvert un atelier, d'où sont sortis
Brion, Henner, Halfner, Lix, Gluck, Schuler, Jung, Radel et
Schutzenberger.
Jean-Baptiste Guérin, frère de Gabriel, fit aussi de la pein-
ture et succéda à Gabriel comme conservateur du musée de
Strasbourg.
M. Charavay a donné le fac-similé des signatures de plu-
sieurs de ces peintres. Le journal de Jean-Urbain , rédigé au
jour le jour, du i01' janvier 1788 au 25 juillet 1792, a fourni un
grand nombre de renseignements intéressants, non seulement
sur la vie de l'artiste, mais sur les événements politiques aux-
quels il fut activement mêlé. Une note du 20 juin 1792 contient
sur l'envahissement des Tuileries des informations que les
historiens de la Révolution n'ont pas connues.
Cette curieuse plaquette, sur papier de Hollande, a été
tirée à 75 exemplaires, dont 5o seulement ont été mis dans le
commerce.
Nous ne saurions trop féliciter M. Etienne Charavay du
soin qu'il a pris de communiquer au public cette trouvaille.
C'est par des monographies de ce genre que l'on finira par
compléter l'histoire de l'art en France. Ce sont les pierres du
monument qui s'élève chaque jour. Trop souvent ceux qui ont
la chance de faire de pareilles découvertes dédaignent de les
publier comme n'étant pas assez importantes. C'est une erreur
regrettable qui, heureusement, tend chaque jour à faire place
à des idées plus justes. Il n'y a pas en histoire de détails inutiles.
Eugène Véron.
COURRIER DES MUSEES
LXV1I1
France. — Si l'excellente circulaire de M. Turquet au
sujet des Musées départementaux* avait le moins du monde
besoin de justification , la situation plus que périlleuse du plus
beau musée provincial suffirait à en démontrer l'impérieuse
nécessité. Le Musée de Lille, en effet, le Musée de Lille qui
possède tant de beaux tableaux et cette merveilleuse collection
de dessins célèbre sous le nom de Musée Wicar, ce Musée
qui devrait avoir été toujours à l'abri de toute chance de
destruction, a déjà manqué plusieurs fois de périr par le feu.
Situé à l'étage supérieur de l'hôtel de ville, bâtiment qui
menace ruine, il est, littéralement, sans cesse guetté par l'in-
cendie -.
L'entresol qui règne sous les musées lillois n'était ancien-
nement utilisé que comme magasin et pour services divers
relatifs aux collections ; il n'y existait même pas de cheminées.
Aujourd'hui, on y a installé des bureaux avec casiers, pupitres
et force paperasses, et nécessairement aussi des foyers qui ont
dû être mis en communication avec les cheminées existant
dans les autres parties de l'édifice, et cela en traversant une
série de cloisons! Sous les grandes salles du Musée de pein-
ture, il y a un vide de plus d'un mètre où passent tous les
tuyaux à gaz de ces bureaux; or, les murs de l'édifice se sont
écartés de telle sorte que dernièrement, pour rechercher le
passage d'une cheminée perdue, on a été obligé d'enlever
le plancher d'une de ces salles, et l'on a constaté que les têtes
des gros sommiers étaient sorties du mur de la bagatelle de
vingt à trente centimètres ! Si la tuyauterie du gaz s'avise de
profiter de l'occasion pour se mettre de la partie, comme on
doit le craindre à chaque instant, ce sera miracle si les musées
lillois ne périssent pas, soit par le feu, soit par effondrement.
Caveant consuïes! Il en est plus que temps. L'heure n'est
plus aux délibérations, mais aux actes. Tout retard serait un
crime de lèse-patrie.
— On procède en ce moment à l'exécution de différents
moulages destinés au musée de sculpture comparée qui doit
être prochainement installé dans les galeries du Trocadéro.
On a reproduit ainsi un chapiteau de l'abbaye de Jumièges,
un grand chapiteau du chœur de la cathédrale de Rouen (qui
1. Voir l'Art, 70 année, tome II, page 138.
2. Nous avons eu plusieurs fois à signaler les commencements d'incendie qui se sont déclarés dans l'hôtel de ville lillois ; il s'en est produit un nouveau tout
récemment, et cettj fois encore on est fort heureusement parvenu à l'éteindre à temps.
Il est bien regrettable qu'on n'ait sur la biographie d'un
pareil homme qu'un si petit nombre de renseignements. La
notice où M. Anatole France a réuni tout ce qu'on sait de cette
vie si bien remplie ne comprend qu'une vingtaine de pages.
Encore faut-il nous réjouir que cela suffise à démontrer que
chez Palissy le caractère était à la hauteur de l'intelligence.
Eugène Véron.
CCXLIV
Une Famille de peintres alsaciens : les Guérin, 1-34-1846.
Une plaquette in-4° de 28 pages, ornée de deux portraits,
par Etienne Charavay, archiviste paléographe. Paris, Cha-
ravay frères. 1880.
Le premier de la série est le graveur Jean Guérin, né en
1734, mort en 1787. Il n'était pas Alsacien. Vers 1750, il avait
quitté sa ville natale, Langres, pour aller s'établir à Strasbourg,
où il épousa en 1755 Marguerite Heller, de Wissembourg. Son
portrait, qui est fort rare et qui nous montre l'artiste dans
l'exercice de sa profession, a été gravé par son fils Christophe.
Il a été tiré en tète de l'ouvrage, sur la planche originale qui
appartient à son arrière-petit-fils, M. Jules Guérin.
Le fils aîné de Jean, Christophe Guérin ( 1758-1831), naquit
à Strasbourg et succéda à son père comme graveur de la mon-
naie de cette ville. Il y fonda un musée de peinture, dont
il resta toute sa vie le conservateur. Il était en même temps
professeur à l'École gratuite de dessin, où il eut pour élèves
Henriquel-Dupont, Bcin et Muller. Il a laissé plusieurs gravures
remarquables, d'après le Corrège, Raphaël, Jules Romain et
Loutherbourg.
Jean-Urbain (1761-1835), frère de Christophe, vint achever
ses études à Paris et s'adonna à la miniature. Il fit les portraits
de Louis XVI, de Marie-Antoinette et d'un grand nombre de
personnages de la cour et de l'Assemblée nationale, et des
généraux de la République. En 1808, il fit celui de l'impéra-
trice Joséphine, et, après 1814, ceux de Louis XVIII et des
princes de la maison de Bourbon. M. Charavay a donné sur
RT.
l'œuvre très considérable de cet artiste un grand nombre de
renseignements nouveaux et précis.
Gabriel-Christophe Guérin (1790-1846), fils de Christophe
et neveu de Jean-Urbain, après avoir fait ses études à Paris,
dans l'atelier de Regnault, retourna en 1822 à Strasbourg, où
on lui offrait la survivance de la charge de conservateur du
Musée, occupée par son père, et une place de professeur de
dessin au Lycée et à l'Ecole industrielle. On trouve dans les
églises et dans les monuments de l'Alsace un grand nombre de
• ses œuvres. Il exposa aussi quelquefois aux Salons de Paris,
en 1827, i83i, 1844. Il avait ouvert un atelier, d'où sont sortis
Brion, Henner, Halfner, Lix, Gluck, Schuler, Jung, Radel et
Schutzenberger.
Jean-Baptiste Guérin, frère de Gabriel, fit aussi de la pein-
ture et succéda à Gabriel comme conservateur du musée de
Strasbourg.
M. Charavay a donné le fac-similé des signatures de plu-
sieurs de ces peintres. Le journal de Jean-Urbain , rédigé au
jour le jour, du i01' janvier 1788 au 25 juillet 1792, a fourni un
grand nombre de renseignements intéressants, non seulement
sur la vie de l'artiste, mais sur les événements politiques aux-
quels il fut activement mêlé. Une note du 20 juin 1792 contient
sur l'envahissement des Tuileries des informations que les
historiens de la Révolution n'ont pas connues.
Cette curieuse plaquette, sur papier de Hollande, a été
tirée à 75 exemplaires, dont 5o seulement ont été mis dans le
commerce.
Nous ne saurions trop féliciter M. Etienne Charavay du
soin qu'il a pris de communiquer au public cette trouvaille.
C'est par des monographies de ce genre que l'on finira par
compléter l'histoire de l'art en France. Ce sont les pierres du
monument qui s'élève chaque jour. Trop souvent ceux qui ont
la chance de faire de pareilles découvertes dédaignent de les
publier comme n'étant pas assez importantes. C'est une erreur
regrettable qui, heureusement, tend chaque jour à faire place
à des idées plus justes. Il n'y a pas en histoire de détails inutiles.
Eugène Véron.
COURRIER DES MUSEES
LXV1I1
France. — Si l'excellente circulaire de M. Turquet au
sujet des Musées départementaux* avait le moins du monde
besoin de justification , la situation plus que périlleuse du plus
beau musée provincial suffirait à en démontrer l'impérieuse
nécessité. Le Musée de Lille, en effet, le Musée de Lille qui
possède tant de beaux tableaux et cette merveilleuse collection
de dessins célèbre sous le nom de Musée Wicar, ce Musée
qui devrait avoir été toujours à l'abri de toute chance de
destruction, a déjà manqué plusieurs fois de périr par le feu.
Situé à l'étage supérieur de l'hôtel de ville, bâtiment qui
menace ruine, il est, littéralement, sans cesse guetté par l'in-
cendie -.
L'entresol qui règne sous les musées lillois n'était ancien-
nement utilisé que comme magasin et pour services divers
relatifs aux collections ; il n'y existait même pas de cheminées.
Aujourd'hui, on y a installé des bureaux avec casiers, pupitres
et force paperasses, et nécessairement aussi des foyers qui ont
dû être mis en communication avec les cheminées existant
dans les autres parties de l'édifice, et cela en traversant une
série de cloisons! Sous les grandes salles du Musée de pein-
ture, il y a un vide de plus d'un mètre où passent tous les
tuyaux à gaz de ces bureaux; or, les murs de l'édifice se sont
écartés de telle sorte que dernièrement, pour rechercher le
passage d'une cheminée perdue, on a été obligé d'enlever
le plancher d'une de ces salles, et l'on a constaté que les têtes
des gros sommiers étaient sorties du mur de la bagatelle de
vingt à trente centimètres ! Si la tuyauterie du gaz s'avise de
profiter de l'occasion pour se mettre de la partie, comme on
doit le craindre à chaque instant, ce sera miracle si les musées
lillois ne périssent pas, soit par le feu, soit par effondrement.
Caveant consuïes! Il en est plus que temps. L'heure n'est
plus aux délibérations, mais aux actes. Tout retard serait un
crime de lèse-patrie.
— On procède en ce moment à l'exécution de différents
moulages destinés au musée de sculpture comparée qui doit
être prochainement installé dans les galeries du Trocadéro.
On a reproduit ainsi un chapiteau de l'abbaye de Jumièges,
un grand chapiteau du chœur de la cathédrale de Rouen (qui
1. Voir l'Art, 70 année, tome II, page 138.
2. Nous avons eu plusieurs fois à signaler les commencements d'incendie qui se sont déclarés dans l'hôtel de ville lillois ; il s'en est produit un nouveau tout
récemment, et cettj fois encore on est fort heureusement parvenu à l'éteindre à temps.