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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 2)

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Fouqué, Octave: Art musical, [4]
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9o

L'ART.

voulu aussi donner au public parisien, qui est disposé à admettre
Lohengrin, — du moins au concert et par fragments, —■ l'occa-
sion de s'initier à une manière de Wagner plus nouvelle et plus
avancée. L'entr'acte du troisième acte des Maîtres chanteurs,
le quintette du même opéra et la triomphante mélodie que
Walther chante au concours des Meistersinger, avec l'ensemble
qui couronne l'œuvre, telles sont les pages soumises au juge-
ment des auditeurs du concert historique, qui les ont accueillies
avec une faveur très marquée.

Un mot des solistes qui ont prêté leur concours à ces
remarquables séances : M1" Edith Ploux a chanté le rôle d'Ar-
mide avec une dramatique énergie; on peut faire le même éloge
de Mmo Panchioni, chargée du rôle de la Haine. Mlle Caron a
montré de la grâce, avec une jolie voix de soprano, dans la
Mascarade de Versailles; M. Lauwers, dans Hidraot comme
dans Méphistophélès, est un chanteur d'expérience et un musi-
cien sûr. Nous avons déjà parlé de M. Bolly à propos des deux
Armide; ce jeune artiste s'est aussi tiré à son honneur de l'air
des Maîtres Chanteurs. Notons en finissant que le quintette de
ce dernier ouvrage a été remarquablement exécuté, tant par les
artistes que nous venons de nommer que par les chœurs et
l'orchestre de M. Pasdeloup.

Le plus intéressant des virtuoses qui se sont fait entendre à
Paris cet hiver, même en y comprenant la fulgurante et triom-
phante Sofie Menter, est à coup sûr M. E. M. Delaborde, qui a
donné deux concerts le jeudi 7 et le lundi 11 avril, le premier à
la salle Pleyel, le second à la salle Érard. M. Delaborde possède
une puissance de son difficile à rencontrer; ce son, il sait le
modérer quand il le faut et le varier de manière à éviter toute
monotonie. Au point de vue du mécanisme, l'instrument ne
recèle plus guère de secrets pour lui, et s'il dédaigne de faire
montre de sa virtuosité dans des morceaux abracadabrants,
uniquement écrits pour la stupéfaction du bourgeois, il sait
mettre ses admirables qualités au service d'œuvres qui méritent
d'être écoutées. Sa mémoire est comme une vaste bibliothèque,
un catalogue immense dont ses doigts tournent et retournent
les sonores feuillets avec une aisance qui nous surprend toujours.
L'énoncé seul des programmes de M. Delaborde est une vraie
curiosité; celui du 7 avril va de Bach à Marmontel, de Mozart
à Lalo, de Chopin à Stephen Heller, en passant par Schumann,
Alkan, Brœhms et Georges Bizet. C'est un panorama musical
que l'artiste parcourt, rapide — parfois trop rapide, c'est le seul
reproche qu'on aurait à lui adresser, — tenant l'estrade deux
heures durant, jouant tout de mémoire, sauf les morceaux
d'ensemble, faisant bisser la terrible étude en tierces de Chopin
et la reprenant sans se faire prier, sans hésitation, sans peur et
sans reproche, dans son même mouvement vertigineux, et
recueillant une série de bravos qui, comme une gerbe liée ou
comme un bouquet de feu d'artifice, se résument en une ovation
linale qui a tout l'air d'un triomphe.

M. Delaborde a voulu dans cette séance se produire aussi
comme compositeur. Il a fait entendre une transcription de son
ouverture d'Attila, morceau développé suivant la mode classique
avec des sonorités que l'auteur a voulu moderniser, comme pour
sceller une alliance entre les anciens et les jeunes. Une compo-
sition plus récente venait ensuite : c'est le premier morceau
d'une symphonie intitulée les lies Féroé. M. Delaborde l'a
d'abord exécutée, sous forme de quintette, avec le concours de
MM. Léon Reynier, Remy, Lefort et Delsart, puis, transcrite à
quatre mains, avec son élève Mlle Haincelain. C'est une pièce
à larges proportions; l'idée principale est d'une grande noblesse,
les développements sont abondants et soutiennent l'intérêt.

Peu de pianistes pourraient donner un concert comme
celui du 7 avril. En existe-t-il deux capables d'en fournir un
pareil à celui du 1 1 ? Telle est la question que l'on se posait en
sortant de cette séance, entièrement consacrée à Beethoven, et
dans laquelle M. Delaborde a atteint une hauteur d'interpré-

tation qui a étonné jusqu'à ses plus chauds admirateurs. Il a
exécuté dans la première partie ta sonate op. 22, que l'on joue
si rarement, sans doute à cause de l'aspect un peu farouche du
premier morceau; l'allégro de la sonate op. 53, que certains
éditeurs intitulent l'Aurore; celui de la sonate op. 57, d'une
fougue si étrange et si dominatrice; enfin les Quinze variations
et fugue, op. 35, où l'on retrouve, travaillées au seul point de
vue de la technique musicale et sans aucune idée d'application à
des objets extérieurs, les thèmes du final de la Symphonie
héroïque. La seconde partie nous transporte à la fin de la
carrière de Beethoven et nous initie à quelques-unes de ses
dernières œuvres, de celles qui furent longtemps réputées incom-
préhensibles. Comment les musiciens qui adressent ce reproche
à la troisième manière de Beethoven ne voient-ils pas que c'est
s'accuser eux-mêmes de beaucoup de parti pris et de beaucoup
de paresse ? Les formes sont agrandies dans le genre inauguré
par l'auteur de la neuvième symphonie et des derniers quatuors;
certainement l'œil habitué à n'embrasser qu'un plus petit espace
où tout paraît bien ordonné peut se perdre un instant dans ce
vaste plein air; mais les procédés employés par le compositeur
ne sont pas tellement étranges qu'on en doive être dérouté. Au
contraire, Beethoven, dans son troisième style, expose le plus
souvent ses mélodies à découvert, ou avec un accompagnement
des plus discrets; comme moyen de développement, il a princi-
palement recours à la variation qui est le plus facile à suivre et
celui qui donne à l'esprit les temps de repos les plus nombreux
et les plus sûrs. La vérité est que ces œuvres présentent cer-
taines difficultés d'exécution que le génie emporté de Beethoven
a négligé de mettre au point ordinaire et qui, si elles ne sont pas
surmontées avec la vaillance nécessaire, nuisent à la clarté.
Mais avec un artiste tel que M. Delaborde, qui s'est donné la
peine bien naturelle de pénétrer le fond de la pensée du maître,
et pour qui d'ailleurs il n'y a plus aucun obstacle matériel à
l'interprétation, toute obscurité disparaît. C'est ainsi que les
sonates op. 101 et in, comme le premier mouvement de
l'op. 106 sont apparus au public de la salle Érard dans leur
majestueuse beauté. La séance s'est terminée par les Trente-
deux variations en ut mineur, que M. Delaborde a jouées avec
le plus grand charme. On voudrait entendre souvent des
concerts de ce genre : rien de sain et de réconfortant comme
ce commerce de deux heures avec un génie de la trempe de
Beethoven, interprété par un virtuose hors de pair.

Un programme de concert est en tout temps assez difficile à
rédiger, mais, selon toute apparence, il n'en est pas qui doive
mettre l'esprit d'un chef d'orchestre à la torture comme celui
d'un concert spirituel à donner le Vendredi-Saint. La solennité
du jour impose un genre de musique déterminé ; d'autre part, la
composition particulière du public, auquel ce soir-là vient se
mêler la foule des habitués des petits théâtres, indiquerait une
tout autre voie. Il faut satisfaire les uns sans mécontenter les
autres, grave embarras! D'où il résulte qu'au sortir du dîner
maigre nous sommes invités à des agapes musicales dont parfois
les menus sont bizarrement composés. Des quatre concerts
annoncés pour le Vendredi-Saint, salle du Conservatoire, théâtre
du Château-d'Eau, concert populaire au Cirque-d'Hiver et de
l'Association artistique au théâtre du Châtelet, c'est le dernier
qui nous a attiré, parce qu'il offrait plusieurs fragments nouveaux
ou entendus pour la première fois, et en première ligne une
œuvre de Berlioz, intitulée Tristia, trois chœurs avec orchestre.

La partition de Tristia est dédiée au prince Eugène de
Sayn Wittgenstein; les trois chœurs qu'elle contient n'ont
d'autre lien que le sentiment mélancolique qui les a inspirés. Le
premier est une méditation religieuse sur des paroles de Thomas
Moore, traduites en prose : «.Le monde entier n'est qu'une ombre
fugitive ». Il date de la jeunesse de l'auteur, puisqu'il fut com-
posé à Rome en 1831; il est écrit à six voix, selon le système que
Berlioz devait préconiser plus tard dans son Traité d'instrumen-
 
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