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Ménard, René: Le salon de 1881, [4]
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.18878#0252
226 L'ART.
lui-même. Au Salon, il s'est fait connaître par des portraits qui n'avaient rien d'élégant, mais
où la vie débordait. C'étaient pour la plupart de vieilles gens, dont le visage hâlé annonçait une
vie de travail plutôt que des habitudes aristocratiques. L'artiste a ensuite agrandi son cercle,
et quand nous avons vu ses représentations de scènes de la campagne, et notamment ses
Femmes ramassant des pommes de terre, du Salon de 187g, nous avons cru qu'il avait décidé-
ment trouvé sa voie. Ce n'était là qu'un essai pourtant, et nous avons assisté l'année suivante
à une tentative absolument nouvelle. L'artiste avait montré Jeanne d'Arc, mais une Jeanne
cTArc bien différente de celle qu'on voit représentée dans les galeries de Versailles. L'état patho-
logique de la jeune visionnaire, avec tous les caractères que la science prête à l'hallucination, se
En octobre.
Dessin de Georges I.augée, d'après l'une des figures de son tableau. (Salon de Ib8i.)
mêlait dans son œuvre avec les exigences rigoureuses de la chronique et des traditions. C'était
en quelque sorte la peinture historique rajeunie, et la réalité appliquée à un tableau de ce genre
était, dans tous les cas, un horizon nouveau, auquel les faiseurs de sujets d'histoire ne nous ont
<nière accoutumé.
La nouveauté était si grande, que le public, habitué à marcher volontiers dans les sentiers
battus, a fait à l'artiste un accueil assez froid. M. Bastien-Lepage, oubliant sans doute qu'on
ne discute que les fortô, semble avoir été pris d'un certain découragement. Son Mendiant ne
suscitera certainement pas les mêmes colères. On avait reproché à l'artiste son fond qui n'était
pas assez fuyant et manquait de perspective aérienne; pour éviter ces critiques, il a mis cette
année toute la scène sur le même plan. On avait contesté la valeur poétique de son rêve, il nous
donne une représentation de la réalité aussi exacte que dépourvue d'intérêt. Des sphères vivantes
lui-même. Au Salon, il s'est fait connaître par des portraits qui n'avaient rien d'élégant, mais
où la vie débordait. C'étaient pour la plupart de vieilles gens, dont le visage hâlé annonçait une
vie de travail plutôt que des habitudes aristocratiques. L'artiste a ensuite agrandi son cercle,
et quand nous avons vu ses représentations de scènes de la campagne, et notamment ses
Femmes ramassant des pommes de terre, du Salon de 187g, nous avons cru qu'il avait décidé-
ment trouvé sa voie. Ce n'était là qu'un essai pourtant, et nous avons assisté l'année suivante
à une tentative absolument nouvelle. L'artiste avait montré Jeanne d'Arc, mais une Jeanne
cTArc bien différente de celle qu'on voit représentée dans les galeries de Versailles. L'état patho-
logique de la jeune visionnaire, avec tous les caractères que la science prête à l'hallucination, se
En octobre.
Dessin de Georges I.augée, d'après l'une des figures de son tableau. (Salon de Ib8i.)
mêlait dans son œuvre avec les exigences rigoureuses de la chronique et des traditions. C'était
en quelque sorte la peinture historique rajeunie, et la réalité appliquée à un tableau de ce genre
était, dans tous les cas, un horizon nouveau, auquel les faiseurs de sujets d'histoire ne nous ont
<nière accoutumé.
La nouveauté était si grande, que le public, habitué à marcher volontiers dans les sentiers
battus, a fait à l'artiste un accueil assez froid. M. Bastien-Lepage, oubliant sans doute qu'on
ne discute que les fortô, semble avoir été pris d'un certain découragement. Son Mendiant ne
suscitera certainement pas les mêmes colères. On avait reproché à l'artiste son fond qui n'était
pas assez fuyant et manquait de perspective aérienne; pour éviter ces critiques, il a mis cette
année toute la scène sur le même plan. On avait contesté la valeur poétique de son rêve, il nous
donne une représentation de la réalité aussi exacte que dépourvue d'intérêt. Des sphères vivantes