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L'ART.
Judith, se retrouvent sous le ciseau du « maître masson », au milieu d'une flore fantaisiste,
exubérante, où les coquillages, les rinceaux, les enroulements et les moulures entremêlés du
chiffre des châtelains, de la croix de Saint-André, de tètes grimaçantes ou sévères, forment un
ensemble primesautier, imprévu, d'allure impétueuse et d'un caractère à part.
L'abbaye de Carennac, fondée par saint Odilon et dont les restes dépendent aujourd'hui du
domaine de Montai, possédait une vaste cheminée du xv" siècle. Transportée à Paris et recons-
truite dans la salle où se trouvent les sculptures que nous analysons, elle révèle aux moins
attentifs la distance franchie par notre école dans l'espace d'un siècle. On sait que Carennac
appartint à l'ordre de Cluny, et qu'en 1681, le bénéfice de cette abbaye échut à Fénelon, le
futur archevêque de Cambrai. Sa lettre de prise de possession a été plus d'une fois rappelée.
On montre encore au quatrième étage d'une tour qui subsiste la chambre de travail de l'auteur
Dame Jehanne de Balsac, dame de Montal (027).
Buste provenant du château de Montal. (Publié avec l'autorisation spéciale des propriétaires.) — Dessin de Ch. Kreutzberger.
de Télémaque qui, d'ailleurs, séjourna peu de temps dans l'abbaye, et une petite île située au
milieu de la Dordogne, visible de Carennac, est appelée dans le pays l'île de Calypso.
La cheminée que l'on a retirée de la salle capitulaire en ruines est des plus curieuses. Ici
encore c'est la pensée qui gouverne. L'histoire dramatique de Lazare est gravée, sinon par une
main savante, du moins par un artiste original. Cette Iliade du pauvre comporte quatre tableaux,
on pourrait dire quatre chants.
Dans le premier, Lazare, en costume du xv" siècle, les jambes nues, se présente devant
Nabal, le mauvais riche, et implore sa pitié. Celui-ci est à table en compagnie de sa femme et
de son fils, mais une tète de démon sort de la muraille et souffle à l'oreille de Nabal de résister
au mendiant. Le conseil diabolique est écouté. Le visage du riche se contracte, il fronce le
sourcil, et sans qu'il détourne la tète vers le pauvre, de ses lèvres dédaigneuses tombe le refus,
pendant que ses lévriers vont lécher les jambes nues de Lazare.
Le pauvre a succombé; la faim l'a vaincu. Lazare est mort. Des anges s'approchent de lui,
le caressent et l'habillent. Ce misérable qui n'avait pas de chaussures reçoit après sa mort de forts
L'ART.
Judith, se retrouvent sous le ciseau du « maître masson », au milieu d'une flore fantaisiste,
exubérante, où les coquillages, les rinceaux, les enroulements et les moulures entremêlés du
chiffre des châtelains, de la croix de Saint-André, de tètes grimaçantes ou sévères, forment un
ensemble primesautier, imprévu, d'allure impétueuse et d'un caractère à part.
L'abbaye de Carennac, fondée par saint Odilon et dont les restes dépendent aujourd'hui du
domaine de Montai, possédait une vaste cheminée du xv" siècle. Transportée à Paris et recons-
truite dans la salle où se trouvent les sculptures que nous analysons, elle révèle aux moins
attentifs la distance franchie par notre école dans l'espace d'un siècle. On sait que Carennac
appartint à l'ordre de Cluny, et qu'en 1681, le bénéfice de cette abbaye échut à Fénelon, le
futur archevêque de Cambrai. Sa lettre de prise de possession a été plus d'une fois rappelée.
On montre encore au quatrième étage d'une tour qui subsiste la chambre de travail de l'auteur
Dame Jehanne de Balsac, dame de Montal (027).
Buste provenant du château de Montal. (Publié avec l'autorisation spéciale des propriétaires.) — Dessin de Ch. Kreutzberger.
de Télémaque qui, d'ailleurs, séjourna peu de temps dans l'abbaye, et une petite île située au
milieu de la Dordogne, visible de Carennac, est appelée dans le pays l'île de Calypso.
La cheminée que l'on a retirée de la salle capitulaire en ruines est des plus curieuses. Ici
encore c'est la pensée qui gouverne. L'histoire dramatique de Lazare est gravée, sinon par une
main savante, du moins par un artiste original. Cette Iliade du pauvre comporte quatre tableaux,
on pourrait dire quatre chants.
Dans le premier, Lazare, en costume du xv" siècle, les jambes nues, se présente devant
Nabal, le mauvais riche, et implore sa pitié. Celui-ci est à table en compagnie de sa femme et
de son fils, mais une tète de démon sort de la muraille et souffle à l'oreille de Nabal de résister
au mendiant. Le conseil diabolique est écouté. Le visage du riche se contracte, il fronce le
sourcil, et sans qu'il détourne la tète vers le pauvre, de ses lèvres dédaigneuses tombe le refus,
pendant que ses lévriers vont lécher les jambes nues de Lazare.
Le pauvre a succombé; la faim l'a vaincu. Lazare est mort. Des anges s'approchent de lui,
le caressent et l'habillent. Ce misérable qui n'avait pas de chaussures reçoit après sa mort de forts