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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 2)

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NOTRE BIBLIOTHÈQUE.

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obliques, appartenant à la donne'e horizontale, en détermine-
ront la variété', la grâce, l'harmonie et le mouvement.

« Les points esthétiques sont déterminés par les détails ca-
ractéristiques d'un objet.

« Les lignes esthétiques passent par les points esthétiques ;
elles ont pour fonction de relier les détails entre eux et de les
rattacher à la donnée générale. »

Le groupe des deux cavaliers du Parthénon, que nous
avons donné avec les Aphorismes de M. Sutter, fera comprendre
ce qu'il entend par points et lignes esthétiques :

« Les chevaux au galop , dit M. Sutter, forment une masse
oblique appartenant à l'harmonie horizontale. En effet, la ligne
oblique dominante est formée de cinq points esthétiques déter-
minés par les détails suivants : la tête du cavalier en second plan,
le genou droit du cheval en premier plan, le pied du cavalier,
le paturon gauche et le sabot droit des jambes de derrière.

« La ligne oblique secondaire se compose de quatre points
esthétiques : les naseaux du cheval en second plan, le genou du
cavalier, le sabot de la jambe gauche de devant et le sabot de la
jambe droite de derrière du cheval en premier plan.

« La ligne oblique tertiaire est composée de cinq points
esthétiques, mais moins apparents que les autres : le coude du
cavalier du second plan, les naseaux du cheval du premier plan,
la main gauche du cavalier, la croupe et la queue du cheval.

« La variété résulte des lignes verticales produites par des
points esthétiques, tels que les naseaux du cheval du premier
plan et le pied du cavalier; le sommet de la crinière, la main
du cavalier, le sabot de droite; le dos du cavalier et le jarret
droit du cheval; le profil de la crinière, la main du cavalier, le
paturon gauche de derrière, etc.

j La jambe gauche du train de derrière du cheval en second
plan forme une ligne oblique, prolongée par le corps du cava-
lier en premier plan, ligne qui appartient à l'harmonie verticale.
Les jambes de devant du cheval en second plan forment des
lignes qui, étant prolongées, correspondent à la tète du cavalier
et rendent cette partie la plus dominante du groupe. »

Tout cela est fort ingénieux, mais j'avoue que je ne suis pas
convaincu. J'admets parfaitement qu'il faut dans toute oeuvre
d'art un parti pris bien accusé, choisir un point principal et y
faire converger tout le reste, lignes, couleur et lumière. C'est là
un principe absolument général, qui s'impose au poète, au litté-
rateur, à l'orateur, aussi bien qu'au peintre, au sculpteur et à
l'architecte. Je crois, comme M. Sutter, qu'« une valeur ou une
couleur forte isolée ne doit jamais correspondre à un rayon
visuel oblique », parce que ce serait détruire l'unité; je crois
que la donnée verticale convient particulièrement à certains
sujets, et que la donnée horizontale s'accorde mieux avec
d'autres, et que, quand on a choisi l'une, il importe de disposer
l'œuvre de telle sorte que les deux données ne s'y mélangent
pas au point de se neutraliser réciproquement; j'admets la réalité
des points et des lignes esthétiques, et je reconnais qu'il n'est
pas indifférent de placer les détails importants de manière à
constituer telle ligne ou telle autre. Cela ressort nettement de
quelques exemples bien trouvés, tels que ceux que nous pré-

sentent, dans le livre de M. Sutter, les planches 25, 26, 27,
28, 29, 3o, 31, 52, 33 et 34; mais il nous semble que M. Sutter
s'est laissé entraîner trop loin par la systématisation du prin-
cipe, et qu'il a poussé au delà du nécessaire et du vraisemblable
la recherche des points et des lignes esthétiques. Il est facile de
s'en convaincre en vérifiant attentivement sur les deux cava-
liers du Parthénon les affirmations du commentaire. Il nous
paraît impossible qu'on ne soit pas frappé de ce qu'il y a d'ar-
bitraire dans le choix et la constitution de quelques-unes des
lignes idéales indiquées par l'auteur. On ne voit pas clairement
pourquoi il a pris celles-là plutôt que d'autres, et, ce qui n'est
pas moins grave, il ne ressort pas nettement de ses observa-
tions que ce soit la direction de ces lignes qui explique la
perfection de la composition. Rien n'est plus loin de ma pen-
sée que d'être injurieux pour la mémoire de cet homme de
bien, qui a été un travailleur convaincu et acharné ; mais, en
lisant la longue série de démonstrations tentées par lui, on ne
peut, trop souvent, s'empêcher de songer au raisonnement par
lequel un personnage connu de Molière explique les effets de
l'opium.

A propos de Zurbaran, il écrit : « Une lumière rare, mais
éblouissante, pénétrant à travers deux obstacles, est bien l'image
du vif désir qui dirige l'homme vers cette lumière divine qui
seule développe et féconde'en lui toutes les facultés de l'enten-
dement. La masse d'ombre, en remplissant le plus grand espace
de la toile, est le symbole de ces ténèbres dont l'esprit humain
est environné, et qui ne peuvent se dissiper sans un travail opi-
niâtre, fécondé par le sentiment du bien et du beau. » Nous
avons eu déjà l'occasion de relever des fantaisies du même
genre à propos de l'ovale, de la croix, de l'angle; l'imagination
enivrée de mysticisme domine l'homme de science et l'entraîne
à des écarts étranges; on trouve trop souvent en lui le métaphy-
sicien, habitué dès l'enfance à prendre des entités pour des
réalités et des fantômes pour des êtres vivants.

Tout en regrettant ses illusions et ses exagérations de sys-
tème, qui donnent trop facilement prise contre lui, nous devons
cependant lui rendre cette justice, que son travail est loin d'être
sans valeur et que ses recherches consciencieuses ne sont pas
sans utilité. Nous ne croyons pas qu'il faille admettre sans res-
triction ce qu'il dit de l'esthétique élémentaire et appliquée,
qu'elle « donne les moyens de reproduire les beautés de la na-
ture»; nous connaissons beaucoup d'œuvres excellentes qu'il
serait difficile de faire rentrer dans le cadre du système; nous
ne sommes pas même absolument convaincu que celles qu'il a
analysées doivent leur beauté à l'application des règles dont il
proclame plus qu'il ne démontre l'efficacité 1 ; nous confessons
même qu'il nous suffirait, pour en douter, de son admiration
pour l'École de Bologne et pour un certain nombre d'ouvrages
dont les mérites nous échappent malgré leur conformité aux
règles énoncées par M. Sutter. Mais nous reconnaissons que
parmi ses observations il s'en trouve quelques-unes qui peuvent
être bonnes à méditer, et que la lecture de ses livres peut être
profitable aux jeunes artistes qui les étudieraient avec attention
et discernement. Eugène Véron.

1. Cette confiance naïve dans l'omnipotence des règles se trahit dans une foule de passages et en particulier dans l'aphorisme 160, page 278 : « l'art est un ensemble
de notions positives, réalisées par la pratique selon certaines règles et dans un but d'utilité sociale. » Cette conception de l'art, indépendant de l'imagination, du
sentiment, de la personnalité de l'artiste, est aussi contraire qu'il soit possible de l'imaginer aux conditions réelles de l'art. Il semble que tout se réduise à un
mécanisme habile. Il faut reconnaître, pour être juste, qu'il y a dans les livres de M. Sutter d'autres passages qui supposent une conception toute différente. Mais la
présence de ces deux conceptions contradictoires dans un même esprit explique les indécisions et les erreurs que nous lui reprochons.
 
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