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Die Form: Zeitschrift für gestaltende Arbeit — 5.1930

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Villon, Pierre: Typenwaren in Frankreich
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https://doi.org/10.11588/diglit.13711#0366

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sition. Sentira-t-il la difference fondamentale entre
ces cEUvres et Celles qu'on classe ici en general
dans le genre de l'art decoratif, difference de con-
ception bien plus que de goüt ou de formes plasti-
ques? Comprendra-t-il que oette difference ne pro-
vient pas d'une difference entre les besoins du
Francais moyen et de l'Allemand moyen mais seule-
ment du fait que les artistes allemands qui expo-
sent, et quelques industriels et commercants
d'outre-Rhin ont compris les necessites sociales de
notre epoque qui sont pareilles dans les deux pays.

Je sais d'avance qu'on dira que jamais l'indivi-
dualisme francais n'acceptera des meubles standar-
dises, des poignees de portes en serie, des appa-
reils d'eclairage industriels. Les exemples prouvant
le contraire ne manquent pourtant pas! L'indivi-
dualisme francais accepte bien la Citroen, la Peu-
geot et la Renault de serie, le phono portatif Stan-
dard. Dans l'ameublement meme le « cosy cor-
ner», ce divan ä etageres pour bibelots gagnes ä
la foire du Tröne, a ete adopte par toutes les pe-
tites bourgeoises malgre la ressemblance fatale
des modeles existants. Les ensembles vendus
au Faubourg ou par des Galeries Rochechouart
quelconques ne sont-ils pas egalement de la serie,
de la mauvaise, de la petite serie, mais de la serie
tout de meme? De ferrures, les appareils d'eclai-
rage qu'achete le grand public sont meme de la
serie, qu'on cherche ä les vendre en lui donnant
une forme « artistique », un decor nouveau au Heu de
combattre la concurrence par une qualite plus ele-
vee, des methodes de fabrication et une Organisa-
tion de vente plus rationnelles et plus economiques.

Les meubles francais de tous les styles passes
n'etaient d'ailleurs autre chose que des Standards
determines par le developpement de la menuiserie
et de l'ebenisterie d'une part, par les besoins, la
facon de vivre, de penser et de sentir de la classe
dirigeante d'autre part.

II est donc inutile de s'arreter ä cette objection
de l'individualisme francais. Par contre, il faut savoir
si oui ou non il existe en France des ouvriers, des
employes et des petits commercants qui vivent
entre des objets qui sont adaptes ä leurs besoins
pratiques, ä leurs besoins psychologiques, ä leur
facon de vivre et de se mouvoir. Eh bien non! L'in-
terieur de l'homme moyen en France est la copie de
la copie de l'interieur de l'aristocratie du XVIII-me
siede ou — si les meubles ont ete achetes recem-
ment — la reproduction ä bon marche de ce que
faisaient les artistes decorateurs il y a dix ans et
qui etait destine ä des gens possedant des
hötels particuliers, des domestiques et toutes sor-
tes de choses qui commencent ä etre de plus en
plus exceptionnelles.

Voilä oü nous en sommes: d'un cöte, Partiste-de-
corateur pour qui le fauteuil est un objet d'art, qu'il
dessine autrement pour chaque dient, pour qui une
armoire ä linge est un monument, un appareil d'eclai-
rage, une sculpture constructiviste, — de l'autre cöte
la camelote qui n'a de l'objet d'art qu'elle veut
imiter, que l'ornement et encore en mauvaise exe-
cution, mais qui n'a meme plus la proportion de cet
objet d'art. Et cet objet d'art, a-t-il vraiment une
raison d'etre aujourd'hui? Meme les gens riches
ont-ils besoin de formes compliquees et pretentieu-

ses, attirant l'attention, n'ont-ils pas bien plus
besoin de tout ce qui est simple et reposant?

II faut choisir. Ou continuer ä faire l'objet d'art
pour quelques nouveaux-riches, pour quelques demi-
mondaines entretenues ou faire des objets d'usage
en determinant et en solutionnant logiquement le
Probleme qui se pose dans chaque cas selon les
besoins, la matiere employee et la methode de fabri-
cation la plus rationnelle. II faut choisir entre la
gloire d'avoir trouve un ornement original, une nou-
velle forme plastique appliquee ä un objet, et celle
d'avoir perfectionne un objet en ce qui concerne
soit sa qualite materielle, soit son adaptation ä sa
fonction, son fonctionnement soit son prix de revient.

Si on se souvient avec quelle rapidite les styles
inventes se sont succede et demodes depuis
trente ans et que seul les meilleures constructions
d'ingenieurs, faites sans souci de beaute, sont res-
tees belies, le choix ne peut etre difficile. Voyez
toutes les formes qu'on a pu donner ä un lustre de-
puis 1925: formes de fleurs, plans qui s'entrecroi-
sent, cubes ou cylindres. Tout cela est demode
aujourd'hui ou le sera demain tandis que quelques
appareils d'eclairage industriels bien concus au point
de vue de la repartition rationnelle des rayons.
bien construits et d'un travail fini nous sont restes
aussi agreables ä regarder qu'il y a cinq ans. Mille
autres exemples prouvent qu'un objet ayant une
fonction pratique devient beau par une conception
ordonnee et intelligente, par la qualite de l'execution
et le choix judicieux des matieres employees. Qu'on
ne m'accuse donc pas de vouloir tuer la beaute des
objets d'usage. Ce sont ceux qui croient pouvoir
y ajouter une beaute apres coup et en dehors
de leur organisme et de leur fonction, qui tuent la
beaute.

II y a dejä maintenant quelques artistes
decorateurs (j'emploie ce mot qui ne me platt
guere, parce-qu'il n'en existe pas d'autre pour de-
signer ceux qui creent des objets d'usage sans
pour cela les decorer) francais qui ne partent plus
d'une idee preconcue de forme dans ce qu'ils
creent, mais du probleme qui se pose. Iis seraient
tous heureux de collaborer avec l'industrie qui se
rattache ä leur specialite, de la meme facon dont
l'ingenieur collabore avec l'industrie purement tech-
nique: en elaborant des objets-standards repondant
ä des exigences precises et en les transformant
petit ä petit selon les enseignements de l'usage, Se-
lon le changement des exigences de fonction ou de
construction et selon les nouvelles possibilites de
fabrication ou en vue de l'emploi de matieres nou-
velles.

Mais l'industrie qui fabrique des objets d'usage
n'a pas encore compris qu'il faudrait diriger son
effort dans ce sens. Ou eile emploie l'artiste simple-
ment pour donner une forme ä la mode ä ses objets
ou pour les decorer d'ornements nouveaux ou eile
ne l'emploie pas du tout parce-que eile craint qu'il
ne diminue les qualites pratiques et la facilite de la
fabrication de ses produits en leur donnant une
forme «artistique» rien que pour l'amour de cette
forme.

Le public par contre acceptera demain des Stan-
dards bien concus avec au moins autant de facilite
qu'il accepte la camelote simili-moderne. On ne peut
des maintenant dire qu'il ne l'acceptera pas pour

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