forme. Le meuble normalise, ajoute enfin Wilhelm
Michel, « rencontre dans le peuple allemand une pro-
fonde antipathie et contredit son goüt nettement
prononce pour Findividualisme. »2)
Si je rappelle ces opinions, c'est pour montrer
qu'il n'y a pas entre nos artistes decorateurs et les
artistes allemands Popposition que pourrait imaginer
le public en jugeant ces derniers sur le bei ensemble
que le Werkbund nous a presente. Et c'est pour
justifier aussi, s'il en etait besoin, l'attitude de nos
artistes decorateurs en face des problemes de
notre temps. La France se doit ä elle-meme de
rester fidele ä sa tradition, ä son long passe de
gloire artistique et de maintenir en art la supe-
riorite qu'on a toujours reconnue au fini de sa pro-
duction, ä la qualite de sa main d'osuvre. Sans doute
eile ne pretend pas par lä s'opposer de parti pris
ä toute evolution. Elle ne nie pas les necessites
qu'envisage si courageusement le Werkbund, de
mettre ä la portee du plus grand nombre, gräce ä
la machine, ä la normalisation, ä la standardi-
sation, des conditions de vie plus heureuses. Elle
souhaite de tout coeur que de telles possibilites
se realisent, mais eile entend les realiser par une
prudente adaption de sa production aux besoins
nouveaux, plutöt que par un effort brusque qui ris-
querait de manquer son but. II est peut-etre plus
difficile de suivre pas ä pas le rythme de la vie
qui ne procede jamais par bonds, de se maintenir
d'accord avec les facons de sentir de la masse,
que de se lancer eperdument ä l'aventure, de tenter
mille anticipations imprudentes, au risque de n'etre
suivi par personne. Dejä la collaboration de nos
artistes et de nos industriels, sans avoir donne tout
ce que Ton peut en attendre, par insuffisance d'or-
ganisation, a pu realiser des mobiliers edites en
serie dont les qualites d'execution et les prix de
revient permettent bien des espoirs. C'est dans
ce sens que Part francais veut poursuivre son evo-
lution.
2) Farbige Wohnräume der Neuzeit, A. Koch, Darmstadt. Preface
Quoi qu'il en soit, nos artistes decorateurs, repon-
dant ä Paimable invitation du Werkbund, iront eux
aussi montrer prochainement ä Cologne qu'ils sont
capables de produire en suivant leur instinct, leur
goüt et leurs traditions, en maintenant dans ce qu'ils
creent la marque de nos qualites nationales. Rien
de plus heureux que ces tournois pacifiques oü
chacun apprend ä estimer les travaux des nations
voisines, en tire d'utiles enseignements, mais n'en
poursuit pas moins sa täche dans le sens qu'il s'est
fixe, avec la conscience d'ceuvrer loyalement selon
ses besoins et selon son genie. Dans l'Avant-Propos
du Catalogue du dernier Salon des Decorateurs,
Charles Hairon a su fort bien definir cette probite
ä la fois morale et artistique qui n'exclut pas notre
Sympathie pour des creations traduisant un autre
ideal.
C'est de ce point de vue qu'il convient d'examiner
les ceuvres reproduites ici. Elles correspondent
non pas ä un esprit de routine, ä un attachement
superstitieux ä une tradition nationale, mais ä la
volonte profonde, reflechie, chez nos artistes, de
concilier leur liberte individuelle avec les necessites
sociales et de maintenir fermement leur production
sur ce terrain. « Objet d'art ou objet d'usage? nous
disait dans le numero de Juin de cette Revue, apres
tant d'autres, M. Roger Ginsburger. II faut choisir! »
Les artistes francais repondent: Non! Nous ne
comprenons pas la necessite d'un pareil choix.
Notre originalite qu'on ne veut pas toujours recon-
naTtre ou qu'on taxe de faiblesse, est d'affirmer
encore aujourd'hui que l'objet d'usage le plus simple,
produit de la machine ou de Partisan, peu importe,
destine non pas « aux nouveaux riches ou ä quel-
ques demi-mondaines entretenues» comme le dit
M. Ginsburger, mais au peuple, peut se reclamer de
la beaute s'il ete concu par un artiste. Et nous esti-
mons, ä tort ou ä raison, que cette beaute est d'une
autre qualite que celle qui resulte de la froide colla-
boration ou meme « de la conception ordonnee et
intelligente » d'un technicien et d'un industriel.
Gaston VARENNE
Empfangssalon
Entwurf/Projet Designer: Architekt Rene-
Lucien Prou
Salon de receplion
Reception-room
438
Michel, « rencontre dans le peuple allemand une pro-
fonde antipathie et contredit son goüt nettement
prononce pour Findividualisme. »2)
Si je rappelle ces opinions, c'est pour montrer
qu'il n'y a pas entre nos artistes decorateurs et les
artistes allemands Popposition que pourrait imaginer
le public en jugeant ces derniers sur le bei ensemble
que le Werkbund nous a presente. Et c'est pour
justifier aussi, s'il en etait besoin, l'attitude de nos
artistes decorateurs en face des problemes de
notre temps. La France se doit ä elle-meme de
rester fidele ä sa tradition, ä son long passe de
gloire artistique et de maintenir en art la supe-
riorite qu'on a toujours reconnue au fini de sa pro-
duction, ä la qualite de sa main d'osuvre. Sans doute
eile ne pretend pas par lä s'opposer de parti pris
ä toute evolution. Elle ne nie pas les necessites
qu'envisage si courageusement le Werkbund, de
mettre ä la portee du plus grand nombre, gräce ä
la machine, ä la normalisation, ä la standardi-
sation, des conditions de vie plus heureuses. Elle
souhaite de tout coeur que de telles possibilites
se realisent, mais eile entend les realiser par une
prudente adaption de sa production aux besoins
nouveaux, plutöt que par un effort brusque qui ris-
querait de manquer son but. II est peut-etre plus
difficile de suivre pas ä pas le rythme de la vie
qui ne procede jamais par bonds, de se maintenir
d'accord avec les facons de sentir de la masse,
que de se lancer eperdument ä l'aventure, de tenter
mille anticipations imprudentes, au risque de n'etre
suivi par personne. Dejä la collaboration de nos
artistes et de nos industriels, sans avoir donne tout
ce que Ton peut en attendre, par insuffisance d'or-
ganisation, a pu realiser des mobiliers edites en
serie dont les qualites d'execution et les prix de
revient permettent bien des espoirs. C'est dans
ce sens que Part francais veut poursuivre son evo-
lution.
2) Farbige Wohnräume der Neuzeit, A. Koch, Darmstadt. Preface
Quoi qu'il en soit, nos artistes decorateurs, repon-
dant ä Paimable invitation du Werkbund, iront eux
aussi montrer prochainement ä Cologne qu'ils sont
capables de produire en suivant leur instinct, leur
goüt et leurs traditions, en maintenant dans ce qu'ils
creent la marque de nos qualites nationales. Rien
de plus heureux que ces tournois pacifiques oü
chacun apprend ä estimer les travaux des nations
voisines, en tire d'utiles enseignements, mais n'en
poursuit pas moins sa täche dans le sens qu'il s'est
fixe, avec la conscience d'ceuvrer loyalement selon
ses besoins et selon son genie. Dans l'Avant-Propos
du Catalogue du dernier Salon des Decorateurs,
Charles Hairon a su fort bien definir cette probite
ä la fois morale et artistique qui n'exclut pas notre
Sympathie pour des creations traduisant un autre
ideal.
C'est de ce point de vue qu'il convient d'examiner
les ceuvres reproduites ici. Elles correspondent
non pas ä un esprit de routine, ä un attachement
superstitieux ä une tradition nationale, mais ä la
volonte profonde, reflechie, chez nos artistes, de
concilier leur liberte individuelle avec les necessites
sociales et de maintenir fermement leur production
sur ce terrain. « Objet d'art ou objet d'usage? nous
disait dans le numero de Juin de cette Revue, apres
tant d'autres, M. Roger Ginsburger. II faut choisir! »
Les artistes francais repondent: Non! Nous ne
comprenons pas la necessite d'un pareil choix.
Notre originalite qu'on ne veut pas toujours recon-
naTtre ou qu'on taxe de faiblesse, est d'affirmer
encore aujourd'hui que l'objet d'usage le plus simple,
produit de la machine ou de Partisan, peu importe,
destine non pas « aux nouveaux riches ou ä quel-
ques demi-mondaines entretenues» comme le dit
M. Ginsburger, mais au peuple, peut se reclamer de
la beaute s'il ete concu par un artiste. Et nous esti-
mons, ä tort ou ä raison, que cette beaute est d'une
autre qualite que celle qui resulte de la froide colla-
boration ou meme « de la conception ordonnee et
intelligente » d'un technicien et d'un industriel.
Gaston VARENNE
Empfangssalon
Entwurf/Projet Designer: Architekt Rene-
Lucien Prou
Salon de receplion
Reception-room
438